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lieu sa création. Lorsque le gouvernement de la Hollande envoya Reinwardt aux Indes néerlandaises, c’était, comme le disait expressément le souverain, « afin d’obtenir des connaissances aussi approfondies de nos colonies, que nos voisins en possèdent des leurs. » Il entrait dans les intentions du roi de contribuer, en encourageant l’exploration scientifique des colonies, « à rendre manifeste l’heureuse renaissance du nom néerlandais. » Fruit de sentimens aussi généreux qu’élevés, le jardin de Buitenzorg a le devoir de ne jamais renier son origine. Poursuivre l’émulation avec les colonies voisines ; aider à faire bien connaître, sous tous les rapports, l’exubérante végétation tropicale ; contribuer à l’avancement de la science indépendamment de toute utilité directe : c’est encore là rendre service à la colonie, et d’une manière à la longue tout aussi efficace que celle qui ne vise qu’à l’intérêt pratique direct. Plus la civilisation marche, plus on exigera des nations qui possèdent de grands royaumes, dans de lointaines contrées bénies du ciel, de ne jamais oublier que royauté oblige ; et moins il sera loisible de se soustraire à la noble tâche d’augmenter la connaissance de la nature, en dehors d’un intérêt précis, tant actuel que futur.

Une partie considérable de ce rôle incombe aux jardins botaniques, surtout lorsqu’ils possèdent des avantages spéciaux, comme celui de Buitenzorg. Nous disions au début que les critiques, adressées récemment aux jardins botaniques, ne sauraient atteindre les jardins tropicaux, parce que ceux-ci se trouvent dans des conditions tout à fait spéciales. En effet, la courte description que nous venons de donner suffira à faire comprendre que, par exemple à Buitenzorg, il n’est pas question d’un entassement de plantes anormales. Il est vrai que, dans maint quartier du jardin, la croissance a causé un trop grand rapprochement des arbres. Mais même les pieds qui en souffrent ne l’ont nullement penser à ces spécimens grêles et malingres des serres, visés par le savant critique. Quant aux conditions offertes aux plantes, il est évident que là encore il y a une bien grande différence entre les serres et un jardin. Non pas que l’Hortus Bogoriensis corresponde, pour toutes les plantes qui s’y trouvent rassemblées, à leurs stations favorables. Mais de là à des conditions anormales il y a loin. Il suffit de se rappeler qu’à part les jeunes plants et les espèces, très peu nombreuses, cultivées sous des abris, toutes les plantes croissent en pleine terre. En second lieu, il est évident que le grand nombre de végétaux répandus sur un aussi vaste espace implique l’impossibilité de conserver à tel pied une vie factice, en lui prodiguant des soins méticuleux. En général, on peut dire que tout végétal introduit à Buitenzorg et auquel le climat ne convient pas du tout finit par mourir, le plus