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La France vit à travers tout, c’est évident ; elle garde sa sève et sa puissance, elle vient de le prouver une fois de plus. Elle en est encore à trouver, en dépit du centenaire, un régime qui lui permette de développer ses forces et son génie à l’abri d’institutions fixes, de lois protectrices et libérales. C’est là encore la question, et elle n’a pas été sûrement tranchée par les élections dernières qui ont coïncidé avec le centenaire et l’Exposition, qui ont été aussi un des événemens de cette année. Ce n’est pas que le pays, qui a fait le succès de l’Exposition et est allé d’un mouvement si spontané, si confiant, au Champ de Mars, se soit manqué à lui-même dans les élections. A quelques excitations ou à quelques secousses qu’il ait été exposé, quelques efforts qu’on ait tentés pour le suborner ou l’abuser, il a été au scrutin ce qu’il est partout depuis quelque temps, sincère et gai dans son empressement aux fêtes du travail, indifférent aux vaines manifestations de la politique, sensé et modéré dans ses préférences. Il a témoigné autant qu’il l’a pu, — on le sent, — son antipathie pour les aventures et les violences, son dégoût des intolérances sectaires et des guerres religieuses, son désir de pouvoir vivre et travailler sans trouble, d’être honnêtement, utilement et libéralement gouverné. Cela, il l’a témoigné à travers les contradictions et les excès d’une lutte sans mesure, il l’a dit avec une persistance qui est certainement un des signes les plus caractéristiques de l’état général de l’opinion. Malheureusement c’est toujours ainsi : quand le pays a parlé, les partis, les prétendus chefs politiques surviennent pour tout obscurcir et tout dénaturer, pour substituer leurs vues et leurs calculs intéressés à la volonté évidente d’un peuple qui ne demande que l’équité et la paix.

A peine ces élections de 1889 ont-elles été accomplies et la chambre nouvelle a-t-elle été rassemblée, la confusion a recommencé. Les intrigues, les tactiques équivoques, les petites agitations, les passions de secte ou de coterie, tout a reparu. Ce parlement nouveau vient, il est vrai, de se séparer pour quelques jours, jusqu’à sa session régulière, il n’a été réuni que pendant trois ou quatre semaines ; il a eu cependant déjà le temps de montrer que, pour l’esprit de parti, rien n’est changé. On dirait que les républicains, après avoir été singulièrement effrayés, puis rassurés, n’ont plus aujourd’hui d’autre préoccupation que de se resserrer, de se ressaisir pour reprendre et continuer une domination qu’ils ont craint un instant de perdre. Ils se retrouvent tels qu’ils ont été, tels qu’ils sont toujours, prêts à exercer leurs vengeances, tantôt pur des invalidations capricieuses qui ne sont qu’un abus de majorité, tantôt par de mesquines représailles contre de pauvres prêtres de village arbitrairement dépouillés de leur modique traitement. C’est leur triomphe ! On dirait surtout qu’il y a des républicains qui n’ont que le souci et la peur de voir l’esprit de modération et de transac-