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familier à ses oreilles : c’est la cavalerie de Solis (environ 1,500 chevaux) qui approche, se retirant au grand trot : — « Halte ! crie Condé au prince de Ligne ; rassemblez votre troupe ou elle va vous échapper au contact de ces fuyards, » et il s’avance seul, l’épée à la main. — L’aurore allait poindre. — Il reconnaît « un homme de qualité » qui commandait cette cavalerie : « Mais vous vous trompez ; l’ennemi n’est pas où vous allez ; il est derrière vous. — Tout est perdu ! » répond le commandant en saluant de l’épée et en continuant sa course.

Dans le récit dicté par M. le Prince, le nom est resté en blanc ; « cet homme avait donné en plusieurs occasions des marques de courage, » et Condé ne voulait pas le déshonorer pour une heure de faiblesse.

Le passage rapide de cette masse a déblayé les ponts où affluaient déjà les débandés, les voitures. M. le Prince profite de ce moment pour faire aussitôt franchir la Scarpe à ceux qui le suivent, 1,500 chevaux maintenant, car il en a encore rallié. Ses escadrons reformés, mis en route, le lever du jour lui montre une forte colonne qui semble s’offrir à lui comme une proie ; c’est le « secours » que Turenne dirige vers la place après avoir pénétré dans les lignes. M. le Prince charge aussitôt, culbute gens de pied et de cheval, les suit et s’arrête en face de l’infanterie de France qui achève de se mettre en bataille, le dos aux retranchemens qu’elle a forcés. Derrière elle des travailleurs rasent les lignes, ouvrent la voie aux chevau-légers qui arrivent en grand nombre et se rangent à côté de l’infanterie. M. de La Ferté commande cette cavalerie ; il n’attendra pas que ses 4,000 chevaux soient réunis pour attaquer et dissiper les téméraires qui prétendent retarder le succès de l’armée du Roi. Ces dispositions n’échappent pas à l’œil exercé de M. le Prince, qui connaît bien celui à qui il va avoir affaire, car il l’a vu à l’œuvre, brave, mais glorieux et sans jugement : rappelons-nous ses bévues sur la bruyère de Rocroi.

Il y a entre Sainte-Catherine et Roclincourt un de ces ravins difficiles que nous avons signalés ; La Ferté devait le franchir pour donner sur la troupe de M. le Prince. C’est à ce passage que celui-ci guettait la jactance de son adversaire. Au premier faux mouvement il fond sur lui, et, malgré l’infériorité du nombre, l’aborde si rudement que la cavalerie de La Ferté est désemparée pour plusieurs heures. Puis il s’arrête et reprend sa position. De l’autre côté du ravin, Turenne aussi arrête son infanterie et reste immobile.

Le jeune duc d’York, depuis Jacques II, qui servait comme lieutenant-général dans l’armée française et servait bien, — montrant