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delta du Yang-tsé-Kiang, de sorte qu’aujourd’hui les deux gigantesques fleuves chinois ne constituent plus qu’un seul système hydrographique. On évalue la perte d’hommes causée par cette terrible catastrophe à plusieurs millions, et l’espace submergé à environ 2, 400 kilomètres carrés[1].

Près de la rive droite du Hoang-ho se trouve le petit lac Zaïdadamin ; à 11 kilomètres au nord-ouest s’élève une colline conique où les Mongols prétendent qu’a été ensevelie l’une des femmes de Djinghiz-khan. La mémoire de ce dernier s’est conservée dans l’Ordos encore plus que dans la contrée de la Mongolie, et Prjevalsky rapporte à cet égard des légendes curieuses, parmi lesquelles il en est une, selon laquelle le tombeau de Djinghiz-khan se trouverait dans la région méridionale de l’Ordos ; on ajoute qu’au moment de sa mort, il aurait déclaré que dans huit cents ou mille années il ressusciterait, battrait les Chinois et reconduirait les Mongols dans le pays des Chalkas, leur ancienne patrie. Comme six cent soixante années se sont écoulées depuis la mort de Djinghiz-khan, les Mongols s’attendent à le voir reparaître dans cent quarante, ou tout au plus dans trois cent quarante années.

A l’ouest du pays de l’Ordos se déploie le grand désert d’Alaschan, qui s’étend au sud jusqu’aux montagnes qui constituent le bord septentrional du Tibet. Selon toute apparence, la surface connue de l’Alaschan représente le fond d’un immense bassin lacustre ; c’est ce qu’indique le sol limoneux, salin, recouvert par des sables, ainsi que par des lacs situés dans les dépressions où les anciennes eaux se seront concentrées. Prjevalsky déclare que la désolation du désert Alaschan défie toute description, surtout dans la partie méridionale, que les Mongols appellent Tyngere, c’est-à-dire Ciel, pour indiquer que, comme celui-ci, les surfaces sablonneuses sont illimitées. La planche sur laquelle Prjevalsky a essayé de figurer l’aspect de ces surfaces représente, à s’y méprendre, une mer fortement agitée, et de même que sur la mer le vaisseau ne laisse point de traces, les vestiges imprimés dans les sables par l’homme ou les animaux sont promptement effacés par les vents ; aussi les caravanes ne se hasardent que rarement à traverser le Tyngere.

Dans son développement occidental, le désert d’Alaschan devient çà et là moins désolé, surtout dans la proximité de l’oasis de Khami, qui contraste singulièrement avec le désert. Au reste, l’état florissant de Khami jouit dans toute cette partie d’Asie d’une telle réputation, que les auteurs chinois décrivent l’oasis comme une

  1. Verhandlungen der Gesellschaft für Erdkunde zu Berlin, 1888. Bd. XV, p. 278.