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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 97.djvu/440

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sur son nom. Les circonstances n’étaient pas favorables ; fidèle à la discipline, il n’en accepta pas moins le poste de combat que son parti lui assignait, et il mena la campagne avec son incomparable habileté, ainsi que l’attesta le résultat du scrutin. Grover Cleveland fut élu, mais par 4,911,017 voix seulement ; James G. Blaine en avait 4,848,334, et le Maine, fidèle à sa fortune, lui donnait une majorité de 20,000. S’il avait échoué, c’était de peu ; l’honneur était sauf, et le parti républicain pouvait espérer reconquérir, en 1888, le pouvoir qui lui échappait après vingt-quatre années de possession.

M. Blaine s’y employa de son mieux, et l’administration de Cleveland n’eut pas d’adversaire plus infatigable. Autant il s’était montré redoutable sur le terrain électoral, autant il se révéla délié, plein de ressources sur le terrain politique. Cette campagne de quatre années, menée avec une rare habileté, est un chef-d’œuvre de tactique parlementaire, de combinaisons savantes. Nul mieux que lui ne connut l’art d’éviter les engagemens douteux, de souligner les fautes de ses adversaires, de manier la presse et l’opposition, de les faire donner avec ensemble et peser simultanément sur l’opinion publique ; mais où il se montra encore supérieur à lui-même, ce fut pendant la dernière élection présidentielle de 1888. S’il avait porté au parti démocratique plus d’un coup dangereux, il n’avait pu ébranler chez les masses leur confiance dans les bonnes intentions et la sagesse du président sortant. Grover Cleveland était populaire, et sa popularité rejaillissait sur son parti, qui, unanimement, le présentait de nouveau aux suffrages des électeurs. La grâce et la beauté de mistress Cleveland rehaussaient encore le prestige de son époux. Cette jeune et charmante femme, par tous respectée et de la part de tous l’objet d’un culte chevaleresque, donnait, par la distinction de ses manières, son élégance et sa courtoise affabilité, un éclat inusité aux réceptions de la Maison-Blanche. C’était de part et d’autre un mariage d’inclination, et les Américains étaient fiers de montrer aux étrangers, dans leur cour républicaine, un couple étroitement uni, et, aux côtés d’un chef d’état honoré, the first lady of the land, dont, partout ailleurs, la présence eût provoqué un murmure d’admiration.

La campagne présidentielle s’annonçait favorable pour Cleveland. Un premier incident faillit la compromettre ; mais, s’il était de nature à lui aliéner les voix des capitalistes et des grands manufacturiers, en revanche, il lui assurait celles des classes moyennes et des ouvriers. Dans son message du 6 décembre 1887 au congrès, le président signalait à l’attention des représentans du peuple la situation du trésor, les excédens de recettes chaque année grossis-sans, l’affluence de l’or dans les caisses publiques. Pour parer à ce