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S. A. Douglas, y avaient échoué. Henry Clay, Calhoun, Everett, Marcy, Seward, s’étaient contentés du second rang, et ce second rang, celui de secrétaire d’état, tentait, son ambition. S’il se dérobait pour la présidence, il se réservait pour le pouvoir, plus soucieux d’agir, que de paraître. Il estimait qu’un homme nouveau, moins que lui prêterait le flanc aux attaques, mieux que lui agréerait aux électeurs ; qu’il avait joué depuis quatre ans un rôle trop considérable, éveillé trop de haines, pour rallier la majorité de suffrages-qui, soupçonneux, et méfians, se porteraient plus volontiers sur un homme moins en vue.

C’est à découvrir cet homme nouveau, réunissant les conditions requises, redevable à son apparente abnégation du rang suprême, prêt à le reconnaître en l’appelant au poste qu’il ambitionnait, que tendaient tous ses efforts. Les délégués républicains convoqués à Chicago pour rédiger leur programme électoral, la platform du parti, et désigner les candidats à la présidence et à la vice-présidence, devaient se réunir en juillet 1888. Blaine était l’homme de leur choix. Son refus, son départ subit, laissaient le champ libre à des compétitions personnelles, à des scissions dangereuses. À défaut de Blaine, qu’un bon nombre de délégués s’obstinaient à nommer, espérant triompher ainsi de sa résistance, on mettait en avant les noms de Sherman, d’Alger, d’Allison, de Gresham, de Mac-Kinley, d’Harrison ; on flottait au hasard, attendant un incident, une rétractation possible, un mot d’ordre qui ne venait pas. De l’Italie, où il voyageait, disait-il, pour son plaisir et pour son repos, Blaine suivait avec attention les évolutions de l’opinion, résolu à intervenir au moment décisif, mais hésitant encore à se prononcer. Après lui, Sherman était l’homme le plus considérable du parti. Ses grands services militaires pendant la guerre de sécession étaient encore vivans dans toutes les mémoires. Ses vétérans rappelaient avec orgueil comment, après la victoire d’Atlanta, coupé de sa base d’opérations, acculé aux résolutions suprêmes, il n’avait pas hésité ; à leur tête, à se jeter dans la trouée ouverte par lui au travers des états confédérés, et qui derrière lui se refermait. Disparaissant, comme englouti, dans le remous sanglant de vingt combats, tenu pour perdu, lui et l’armée de l’ouest, on l’avait vu, un mois plus tard, reparaître victorieux sous les murs de Savannah, prendre à revers la dernière armée du sud et la contraindre à mettre bas les armes. Un tel homme était digne de représenter un grand parti, et l’éclat de son nom pouvait déterminer chez les masses un mouvement décisif en faveur des républicains.

Mais un tel homme ne saurait, être un instrument maniable même entre les mains d’un politique habile, et les grands projets caressés par M. Blaine s’accommodaient mal d’une présidence