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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 97.djvu/451

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MM. Jay Gould et Chauncey, M. Depew ; Ch. M. Smith, président de la chambre de commerce, et Sydney Dillon, H. Degraaf et George William ; les banquiers, les grands propriétaires : Henry Hoguet, William Sturgess, B. Fairchild, William Myers ; les rois des chemins de fer : Samuel Sloan, Russell Sage, tous confirmaient cette assertion, tous demandaient que les pouvoirs présidentiels fussent prolongés de quatre à sept années. Les argumens ne manquaient pas pour soutenir cette thèse, à tout prendre fort soutenable, et qui n’avait contre elle que de surgir inopinément, au lendemain et non à la veille d’une lutte chaudement disputée. Si l’intérêt de parti était trop manifeste, les raisons alléguées étaient trop sérieuses pour qu’on les écartât sans discussion.

On ne pouvait nier, en effet, les conditions instables d’un pouvoir exécutif limité, nominalement, à quatre années d’exercice, en réalité réduit à deux : la première employée à répartir entre les vainqueurs les dépouilles des vaincus, la dernière ouvrant une période électorale dans laquelle l’administration détournée de sa tâche véritable, indifférente aux intérêts généraux, menacée dans sa propre existence, mettait au service de ceux dont elle dépendait l’influence et l’autorité des fonctions publiques. Transformés en courtiers électoraux, combattant pour leurs places, tous, à tous les degrés, n’avaient plus d’autre préoccupation que de maintenir la suprématie de leur parti, d’écarter leurs adversaires, de peser sur les électeurs.

On ne pouvait nier non plus l’impérieuse nécessité de licencier, autant que faire se pourrait, l’armée grossissante des politiciens de profession, ces nuées de solliciteurs qui encombraient Washington et les avenues du pouvoir, gent famélique, prête à tout, même au meurtre, ainsi que l’avait prouvé l’assassinat de Garfield. Puis, enfin, la vie commerciale du pays entravée, paralysée pendant des mois, les transactions suspendues, l’attention publique absorbée par des luttes intestines, la presse déchaînée, les passions surexcitées, le cynique étalage de ; la vénalité des votes et de la puissance de l’argent inquiétaient les plus indifférens, alarmaient, les meilleurs citoyens. Aussi, l’opinion publique fit-elle à cette suggestion, dans laquelle, en toute autre circonstance, elle n’eût vu qu’une manœuvre grossière, un accueil encourageant. Satisfaite du résultat acquis, de la sympathie surprise, laissant au temps le soin de fortifier les convictions et se réservant de reprendre cette thèse au moment opportun, la presse républicaine s’en tint là, n’entendant pas pousser plus loin ses avantages, ni la polémique soulevée. Le jalon était posé, et bien posé ; si besoin, on y reviendrait.

Maître du pouvoir, M. Blaine se mit résolument à l’œuvre. Il reprit, sans plus tarder, les choses au point où elles étaient en 1881.