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Il n’avait pu alors qu’esquisser ses plans, mettre en relief le côté humanitaire et général de ses combinaisons. Exploitant habilement la guerre du Chili contre le Pérou et la Bolivie, il y avait rattaché sa première proposition : réunir un congrès des républiques américaines pour « aviser aux moyens de régler tout conflit entre elles par la voie de l’arbitrage. » S’appuyant, non moins habilement, en 1888, sur l’impulsion donnée par un tarif protecteur à l’industrie manufacturière des États-Unis, sur la production excessive qui en résultait et sur l’encombrement des produits fabriqués, il y rattachait sa seconde proposition : « accroître les relations commerciales avec tous les pays américains, de façon à créer des débouchés nouveaux pour le commerce d’exportation des États-Unis. »

Cette double formule conciliait tous les suffrages, elle ne contenait rien d’exclusif, rien qui put donner ombrage aux républiques américaines, rien qui pût éveiller les inquiétudes de l’Europe. Le droit des États-Unis à chercher sur leur propre continent des débouchés à leurs produits n’était pas contestable ; le haut prix de leur main-d’œuvre rendait leur concurrence peu dangereuse. Pour mettre plus en relief le côté utilitaire et humanitaire de ses projets, M. Blaine proposait de profiter de la réunion de ce congrès pour convoquer à Washington les délégués de l’Europe en congrès maritime chargé d’étudier les mesures à prendre en vue d’établir des règles de route et des signaux en mer, de prévenir les abordages, de sauvegarder et protéger la vie et les biens des voyageurs. Le premier de ces congrès, sous le nom de « Congrès des États américains, » ne concernait et ne comprenait que les États des trois Amériques ; il était convoqué pour le 4 octobre 1889. Le second, le « Congrès international maritime, » devait se réunir le 16 du même mois, et des invitations à s’y faire représenter étaient adressées à toutes les nations maritimes.

Ainsi présentée, l’œuvre était vaste, mais l’homme était à la hauteur de l’œuvre. De ces deux congrès, le premier lui tenait surtout à cœur. Fertile en ressources et en combinaisons, il entendait élargir et étendre le cadre élastique de la formule dans laquelle il renfermait sa pensée, lui donner une bien autre portée que celle « d’accroître les relations commerciales avec les pays américains et d’ouvrir de nouveaux débouchés au commerce d’exportation des États-Unis. » Un obstacle insurmontable, semblait-il, se dressait devant lui : le régime protectionniste, plate-forme du parti républicain, mot d’ordre des capitalistes qui l’appuyaient. Leur demander, sur ce point, des concessions ; obtenir qu’ils fissent fléchir la rigueur du principe en vue d’un résultat ultérieur, si important fut-il, il n’y fallait pas songer. Au lendemain d’une lutte acharnée, livrée sur ce terrain même, on ne pouvait se déjuger, donner gain