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de l’Étoile. L’auteur de ces constructions de la bienfaisance opulente est M. Conchon ; lorsqu’il considère son œuvre, il doit être satisfait. J’imagine que, pareil à tous les vrais artistes, il a eu un rêve, un de ces beaux rêves en pierres ouvragées, comme les maîtres maçons du moyen âge, comme les grands architectes de la renaissance en ont réalisé que l’humanité ne se lasse pas d’admirer. Il eut cette fortune incomparable de rencontrer une femme intelligente et riche qui, pour d’autres causes, en visant un but moral, avait conçu un rêve analogue. Le double rêve s’est fondu en un seul et a fait naître une œuvre d’art et une œuvre de charité à la fois grandioses et touchantes. Non-seulement l’architecte a eu carte blanche, comme l’on dit, mais on le poussait au luxe, car au fur et à mesure que les édifices se dressaient derrière les échafaudages, la duchesse s’enorgueillissait.

Elle avait recommandé de faire une chapelle magnifique ; elle a été obéie. « Ne pouvant la faire belle, tu l’as faite riche, » disait un peintre de l’antiquité. Ce reproche ne peut être adressé à M. Conchon ; la chapelle, que jalouseraient bien des grandes villes de province, est très simple ; nulle trace de dorures, rien de criard ; mais quel goût dans le détail, quelle science dans la sobriété de l’ornementation, avec quel art les nervures se détachent sur le ton pâle de la pierre et glissent sous la voûte. La chaire à prêcher, y compris la cuve, l’escalier et l’abat-voix, est taillée dans le même bloc ; elle est ajourée, sculptée, fouillée ; c’est un chef-d’œuvre d’orfèvrerie en pierre. Dans l’orphelinat, la corniche de la cage supérieure de l’escalier, la ferronnerie qui soutient le vitrage, sont des merveilles de finesse et d’habileté. Nos ouvriers valent ceux de toutes les époques, à la condition qu’on leur accorde le temps de bien faire et des matériaux de premier choix. On se fera une idée du luxe qui a présidé à ces constructions en sachant que le seul pavillon du jardinier chef revient à 300,000 francs.

On n’a pas abusé de la prodigalité naturelle à la duchesse de Galliera ; on n’a fait que se conformer à ses instructions, je dirai même à ses instances ; rien de plus. Elle est morte à Paris le 9 décembre 1888, elle a donc tout ordonné, tout surveillé ; la joie des dernières années de sa vie était d’aller à Clamart, d’aller à Fleury-sous-Meudon, de regarder « pousser » les bâtimens dont elle avait étudié les plans et approuvé les devis. Si elle prescrivait des modifications aux projets primitifs, c’était pour embellir encore des constructions déjà très belles. Aux observations qu’on lui adressait parfois, elle répondait : « Allez ! allez ! Si les crédits ne suffisent pas, j’en ouvrirai d’autres. » Un jour qu’on lui disait : « Mais, c’est un véritable palais que vous faites bâtir ; »