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session entière. — Un jour, c’est la presse qu’on risque de frapper dans ses libertés en prétendant réprimer ses excès ; un autre jour, c’est le droit parlementaire qu’on s’expose à atteindre pour mettre à la raison quelques boulangistes récalcitrans. Des lois, des règlemens de guerre, on peut aller loin dans cette voie, — et ni M. Joffrin, ni M. Boulanger ne valent, certainement, qu’on fasse bon marché de toutes les garanties !

Le malheur des républicains est d’être les dupes de leurs entraînemens, de mettre dans leur politique ou dans ce qu’ils appellent leur politique, plus de passions et de préjugés que d’idées et de raison. Ils ne savent pas trop ce qu’ils feront pour répondre aux vœux du pays, tels qu’ils ont paru se dégager des élections dernières ; pour eux, le premier intérêt est de garder le pouvoir, et, pour garder le pouvoir, ils sont prêts à employer tous les moyens, les répressions, s’il le faut, les faveurs pour leurs cliens, l’intimidation à l’égard des autres, l’exclusion de leurs adversaires, les lois restrictives ou les sévérités de règlement. Ils en sont venus à avouer tout haut l’autre jour, sans y être obligés, qu’à leurs yeux le premier titre, pour être magistrat, était de se montrer d’abord républicain, bien entendu républicain du rite opportuniste ou radical. On leur a demandé l’apaisement : ils répondent par la suppression des traitemens du petit clergé, par le refus hautain de se prêter au moindre adoucissement des lois scolaires ou de la loi militaire. On leur a demandé la conciliation : ils en sont encore à cette vérification des pouvoirs qu’ils ont reprise après une interruption de quelques jours, d’où ils ne savent plus comment sortir.

On pouvait croire qu’ils avaient épuisé leurs rancunes, qu’ils auraient hâte, à la rentrée de la chambre, de clore ces représailles électorales qui ne sont après tout qu’un abus de l’omnipotence parlementaire : plus ils vont, au contraire, plus ils semblent se montrer vindicatifs et exclusifs. Ils finissent par se perdre dans un arbitraire illimité ; ils ne jugent plus une élection en elle-même, mais par toutes sortes de raisons de fantaisie. Pourquoi a-t-on invalidé M. Delahaye, député conservateur de Chinon ? On s’est fait tout simplement juge d’une polémique plus ou moins vive, d’une contestation qui n’a pas même été éclaircie, entre les deux adversaires, entre le candidat élu et le candidat évincé. L’aventure de l’élection de Lodève est bien plus curieuse encore. Ici les falsifications de bulletins étaient évidentes, avérées, et le candidat républicain, M. Ménard-Dorian, qui était censé élu contre M. Paul Leroy-Beaulieu, avouait lui-même la nullité de l’élection. Qu’a-t-on l’ait ? On n’a pas annulé l’élection, on a voté une enquête, sous prétexte que l’honneur du parti républicain de l’Hérault était en jeu ! De sorte que le député, qui de son propre aveu n’était pas élu, reste provisoirement député, et qu’on va faire une enquête sur des fraudes d’ailleurs couvertes aujourd’hui par la prescription. Pourquoi