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étudians qui sont venus de toutes parts s’ajouter aux boursiers. Presque partout le noyau de cristallisation a fait son office. Il a attiré ; il a fixé. Ainsi sur les 3,700 étudians que nous avons dénombrés en 1888 dans les facultés des sciences et des lettres, 620 seulement jouissaient d’une bourse ou d’une portion de bourse. Il est donc faux de dire que les boursiers soient l’unique population des facultés des lettres et des sciences, et que c’est une population factice, qui s’évanouirait tout entière le jour où l’État retirerait ses libéralités. Sans doute en plus d’une faculté, ils constituent la majorité des étudians ; mais dans beaucoup d’autres, dans celles précisément où la vie a le plus d’intensité, ils n’en sont que la minorité. À Paris, l’an dernier, sur les 1,100 étudians de la faculté des lettres, il n’y avait en tout que 66 boursiers, 50 pour l’agrégation, et 16 pour la licence.

Désormais les boursiers font partie intégrante des facultés ; ils sont même l’élément le plus actif et le plus vivant de leur substance ; en les supprimant on leur ferait une profonde blessure organique. Sans eux, elles auraient encore des élèves, et même beaucoup d’élèves ; mais avec eux, sans contredit, elles perdraient les meilleurs, ceux qui ont été et sont encore le bon levain. Il y aurait assurément de sérieux inconvéniens à donner maintenant autant de bourses professorales que par le passé. Les besoins extraordinaires auxquels il fallait pourvoir il y a dix ans, bacheliers à remplacer par des licenciés, licenciés à remplacer par des agrégés, chaires nouvelles dans les collèges, lycées nouveaux à Paris et dans les départemens, sont en grande partie satisfaits. Il suffit maintenant qu’avec l’Ecole normale les facultés préparent et produisent autant de professeurs qu’il en faut pour les besoins courans et réguliers. Mais l’institution ne devient pas pour cela inutile, grâce à la plasticité dont elle a déjà fait preuve. Elle a suivi phase par phase l’évolution des facultés et elle continuera de la suivre. On a commencé par des bourses de licence, parce qu’il fallait alors beaucoup de licenciés pour les collèges ; on a continué par des bourses d’agrégation, parce qu’il fallait aussi beaucoup d’agrégés pour les lycées ; maintenant qu’il en faut moins, on a diminué le nombre des bourses de licence et d’agrégation pour créer des bourses d’études, celles qui répondent le plus à la destination supérieure des facultés, à la culture libre et désintéressée de la science.

Cette culture, les facultés ne l’ont pas négligée depuis vingt ans. Elles ne se sont pas bornées à former des licenciés et des agrégés ; elles ont, dans cette période, largement contribué aux progrès de la science. Nous l’avons déjà dit, ce qui dans le passé leur