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III

Parallèlement à ces changemens d’ordre scolaire et d’ordre scientifique, il s’en est accompli d’autres dans l’organisation même des facultés. Du jour où de nouvelles tendances s’étaient manifestées en elles, le pouvoir central s’était fait pour elles plus libéral. A mesure que ces tendances se sont accentuées davantage, il en a favorisé l’expansion par une liberté croissante. Depuis longtemps déjà il s’inspire, à leur égard, de cette unique pensée qu’étant un service essentiellement intellectuel et moral, elles doivent être non pas un mécanisme administratif, mais un organisme vivant et doué de personnalité. Le but où il tend avec elles et pour elles est de faire de chacune en particulier, puis des groupes naturels qu’elles constituent, autant de corps animés d’une vie propre et comme d’une âme vraiment individuelle.

Signalons quelques-unes des mesures générales où se marquent le mieux ces intentions. — Naguère encore les facultés n’étaient même pas maîtresses de leur enseignement. Chaque année, il leur fallait rédiger à l’avance, leçon par leçon, le programme de leurs cours. Ces programmes venaient à Paris ; ils y étaient revus et corrigés, et ils en repartaient, estampillés ne varietur par les bureaux. Rien de plus contraire à l’esprit de la science, qui est esprit de liberté. Aussi la première liberté donnée aux facultés a-t-elle été la liberté de l’enseignement.

Dans ce même temps, jamais on ne les consultait sur leurs affaires. Sauf la nomination des professeurs titulaires, règlement et décisions leur tombaient d’en haut, sans qu’elles eussent été entendues. Il n’est pas surprenant qu’elles missent souvent à les exécuter quelque indifférence ou quelque longueur, et qu’étant si peu libres, elles ne se sentissent pas plus responsables. On a changé de méthode. « Ni les arrêtés, ni les décrets, disait Albert Dumont, ne feront faire à l’enseignement supérieur de véritables progrès ; ces progrès se feront par les changemens qui s’opéreront dans les idées ; la discussion seule rendra ces changemens sérieux. Il faut que les corps se sentent responsables, qu’ils aient confiance dans leur autorité, qu’ils sachent dire ce qu’ils veulent et pourquoi ils le veulent ; qu’ils se connaissent ; qu’ils se critiquent ; qu’ils s’apprécient ; qu’il se forme ainsi un esprit d’activité et de progrès et que cet esprit soit assez fort pour obliger l’administration à le suivre. » C’était le renversement des rôles traditionnels. Au lieu d’obliger les corps enseignans à mettre en œuvre ses idées, l’administration se donnait pour tâche de réaliser « toutes les idées