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dit-on, le juste châtiment de l’attitude du clergé pendant les élections. Eh ! croyez-vous que de pareilles vengeances le ramèneront à la république ? Les curés hors de la politique ! dit M. Ribot ; d’accord, mais, pour cela, il ne faut pas faire de politique contre les curés. Ce clergé, chaque année lui apporte un grief nouveau, des laïcisations ou des expulsions nouvelles, des diminutions constantes de son maigre budget ; cette année même, la loi militaire, qui va frapper les séminaristes, risque d’entraver son recrutement : comment lui demander de se tenir entièrement à l’écart de luttes électorales, dont dépend et son pain quotidien, et la liberté de ses autels ? Les libres penseurs, qui, à défaut d’autre évangile, croient à Darwin, s’imaginent-ils que, seuls des êtres vivans, les curés échappent aux lois du struggle for life ?

Mais laissons le clergé, les séminaires, les écoles, le catéchisme, les sœurs, les hôpitaux, les bureaux de bienfaisance ; laissons les préfectures et les fonctionnaires ; entrons à la chambre. C’est là, sans doute, que se manifeste l’esprit d’apaisement. A la chambre, en effet, dans le centre, il y a eu, aux premiers jours, quelques velléités de pacification. On a admis, dans deux ou trois commissions, quelques membres de la minorité. Ce qui est de règle, dans tout parlement qui se respecte, a semblé, au Palais-Bourbon, un acte de magnanimité, tant on y avait désappris les plus vulgaires traditions de la courtoisie parlementaire. De même, au début de la vérification des pouvoirs, la chambre s’est montrée moins prompte aux invalidations. Il est vrai qu’elle est vite revenue aux brutalités de ses devancières. Autrefois, avant le règne des nouvelles couches, les majorités se seraient fait scrupule de se prévaloir de leur force pour réduire les minorités ; c’était, d’ordinaire, l’opposition qui réclamait l’invalidation des députés nommés à l’aide de la protection gouvernementale. Le parti républicain a changé tout cela ; il a fait de la vérification des pouvoirs un procédé d’épuration de la chambre. Les candidats officiels, les politiciens nommés par la grâce de l’administration éliminent les députés indépendans, librement élus par les électeurs. Je ne crois pas qu’aucun parlement, à aucune époque, ait vu un aussi honteux abus de pouvoir. On sait le prétexte mis en avant : l’ingérence cléricale. Au Palais-Bourbon, on ne doute point que la province ne soit menée par les curés. Comme si, dans les trois quarts des départemens, l’appui du clergé n’était pas pour les conservateurs une faiblesse ! Cela est si connu que, pour faire pièce aux candidats de droite, les feuilles de gauche n’ont cessé de répéter : « Voilà les candidats des curés ! » Elles savent que c’est le plus sûr moyen d’éveiller les défiances de l’ouvrier et du paysan. Et les hommes qui, pour écarter leurs concurrens, ont soin de les