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température politique du pays, il apparaîtrait clairement que ceux qui ont le plus de titres au pouvoir, ce sont les modérés. Qu’on prenne la moyenne des suffrages, on trouvera que le méridien de l’opinion passe par le centre de la chambre, plus près des conservateurs que des radicaux. Le calcul est aisé ; les modérés joints aux conservateurs ont obtenu plus de la moitié des suffrages exprimés. S’il ne s’agissait que d’obéir aux vœux du « souverain, » comme disent nos démocrates, la chose serait simple ; le ministère qui représenterait le plus fidèlement l’opinion serait le ministère républicain le plus conciliant. Par malheur, ce n’est pas de cette façon que nous entendons le gouvernement représentatif. On élimine la minorité, et l’on cherche la majorité de la majorité, ce qui revient à remettre le pouvoir à une minorité. Au lieu de regarder de quel côté s’oriente le pays, on suppute la force des groupes du Palais-Bourbon. C’est là, il faut bien l’avouer, le vice du régime parlementaire, d’autant que, chez nous, il manque de son correctif habituel : l’alternance des partis au pouvoir. Cela seul risquerait, à la longue, de perdre la république parlementaire.

On en convient de bonne grâce : le mal est trop apparent pour être nié. Mais à qui la faute ? dit-on. Pourquoi la majorité montre-t-elle tant de défiances pour toute politique qui semble pactiser avec la droite ? Pourquoi ne saurait-elle admettre que l’opposition puisse jamais être le gouvernement ? C’est (nous y voilà ramenés) que, entre elle et l’opposition, il y a la forme républicaine. Acceptez définitivement la république, va-t-on répétant aux conservateurs ; et la droite, devenue un paru légal, pourra un jour gouverner la république, soit seule, soit avec la fraction la plus conservatrice de la gauche.

Il est à remarquer d’abord que la droite ne convoite, aujourd’hui, aucune part du pouvoir. Minorité, elle a toujours entendu rester étrangère au gouvernement. Qu’il se présente un ministère tolérant, économe, libéral vis-à-vis de tous, elle est prête à l’appuyer, sans lui demander aucune part de l’autorité publique, uniquement pour le bien du pays et par respect de son mandat. Pour ce qui touche la forme du gouvernement, si tous les Français ne sont pas encore d’accord, la faute, nous l’avons dit, en est, avant tout, à l’histoire. Ces divergences, les années seules peuvent les effacer ; il faut laisser faire le temps, mais le temps ne se presse point. Une ou deux générations, un demi-siècle peut-être, ce n’est pas trop pour que disparaissent ce que les dédains du second empire appelaient les anciens partis. Encore, ne faudrait-il point que de nouvelles révolutions ou de nouvelles vexations leur apportassent de nouveaux alimens. C’est là un mal, contre lequel il est oiseux de