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que « l’évêque de Rome » s’occupât de ce mariage. Il fit encore de grandes amitiés à Castillon, le menant visiter ses navires, le retenant à souper, lui faisant grand honneur et « bonne chère ; » mais tout cela ne séduit pas Castillon, qui apprend de plus en plus à ne pas se laisser tromper par les caresses du roi.

Ce projet de faire donner le duché de Milan au duc d’Orléans, à la place du duché de Bretagne sur lequel il pouvait prétendre des droits, émanait-il de la duchesse d’Étampes, alors toute-puissante, que en cabeça del consejo, d’après l’expression de l’ambassadeur espagnol, ou était-il une des nombreuses combinaisons mises en avant par Henri VIII pour entretenir la mésintelligence entre François et Charles-Quint ? Ce qui est certain, c’est que le duché de Milan était la pomme de discorde jetée entre les deux souverains, la question sur laquelle ils ne pouvaient s’entendre. Mais si l’héritage de Valentine Visconti fut l’occasion de malheurs et de défaites qu’une épigramme italienne du temps exprime ainsi : Vénérant Galli, rediere Capones, tout ne fut pas perdu pour la France ; elle puisa le goût des arts en Italie. Les tableaux, les statues, les marbres sculptés étaient fort recherchés ; le connétable de Montmorency faisait venir jusqu’à des cheminées pour Chantilly. La correspondance des ambassadeurs énumère une grande quantité d’objets d’art expédiés par les galères à nos grands seigneurs et à nos riches financiers.

Pendant que Henri VIII « patelinait » Castillon, les ambassadeurs Briant[1] et Winchester suivaient le roi de France, qui se rendait à Nice pour traiter de la paix avec l’empereur, par l’intermédiaire du pape, et eux aussi s’efforçaient de maintenir une situation destinée à affaiblir ces deux souverains. Ils mettaient en avant le mariage de Madame Marie d’Angleterre avec le second fils de François et offraient de poursuivre la restitution du duché de Milan pour le roi de France, à la condition que celui-ci repousserait le concile et ne ferait pas de traité avec l’empereur sans que Henri y figurât comme partie contractante. Ces manœuvres de Briant sont racontées dans la Correspondance[2] de l’ambassadeur de l’empereur qui résidait auprès du roi de France ; il le montre cherchant à jeter quelque désaccord entre le roi et l’empereur, parlant de la dette qui oblige la France envers Henri VIII, disant qu’une paix entre le roi et l’empereur ne durerait pas-six semaines, mettant en avant des mariages, demandant pour son maître que la reine de Navarre vint à Calais avec sept ou huit demoiselles du sang royal, Mlles de

  1. Cousin germain d’Anne Boleyn.
  2. Archives K, 1484.