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la Table-Ronde traictoient du tems passé les dames en ce païs ? — Je crois que je lui fis honte, car tout à coup je le vis rire et rougir ; il changea de discours, et, après qu’il eut frotté son nez, il dit que puisque vous ne trouviez pas bon que les dames viennent à Calais, elles pourroient venir près de Calais, chez Mme  de Vendosme, qui est la grand’mère ; M. de Guise s’y trouveroit comme pour traiter quelque affaire, et il y enverra pour les voir un personnage du même rang. Seroit-ce lui ? Je ne sais s’il vouldra suivre l’exemple du roi d’Écosse d’aller lui-même quérir sa femme, car il dit qu’il ne s’en fiera à personne. Il désire voir Mmes  de Vendosme, de Lorraine et les deux de Guise ; on lui a fait un rapport de la plus jeune des deux ; à mon avis, il s’arrêtera à celle de Guise, il a grande opinion à cette maison et à leur norriture. »

Mais Henri dut se contenter des portraits. Castillon dit dans une dépêche : « J’ay remis les vues qu’il demandait pour son mariage, je pense qu’il se fût volontiers attaché à la religieuse, car quand je lui ai dit qu’elle était professe, il me dit : « Je connais donc bien que nous ne ferons rien. » En effet, aucun de ces mariages ne se réalisa. Louise de Guise paraissait réservée à devenir l’épouse du dauphin Henri au cas où serait annulé son mariage avec Catherine de Médicis restée jusque-là sans enfans ; mais François Ier prit la défense de sa belle-fille, et Louise de Guise épousa le prince d’Orange, et, en secondes noces, le prince de Croy. Renée, sa sœur, dans son couvent de Saint-Pierre de Reims, dont elle devint abbesse, chercha et trouva le calme, comme le montre la lettre qu’elle écrivait dix ans après au duc d’Aumale son frère : «… Vous suppliant, monsieur, avoyr agréable demy douseine de mouchouer de ma fasçon que je vous présente,.. je désireroys que le moyen feust à propos pour avoir l’honneur de vous voir comme j’ai eu le bonheur de la présence de M. le cardinal mon frère, de quoy j’ay esté fort joyeuse, aussi a esté ma sœur… » Le roi de France s’était montré peu empressé d’accorder une princesse de sa famille à ce roi que les passions absorbaient tous les jours davantage ; le roi de Portugal ne lui donna pas sa fille, et Christine de Milan répondit à l’ouverture qui lui fut faite d’un mariage avec Henri : « Dites au roi d’Angleterre que, si j’avais deux têtes, je pourrais en risquer une ; mais je n’ai que la mienne et j’y tiens. »

Dans un petit duché d’Allemagne vivait une princesse de Clèves dont on lui avait vanté la beauté. Il envoya Holbein pour faire son portrait, et, d’après cette image qui confirmait le récit de ses ambassadeurs, il s’empressa de la demander en mariage. Mais en la voyant il éprouva une grande désillusion, dit qu’on ne pouvait s’en rapporter à personne, que c’était une vraie carotte flamande, et il