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ayez pensée sérieusement[1]. » Heureusement, quand cette. réponse arriva, le siège de Charleroi était terminé par une soumission si prompte et si brusque que le commandant fut soupçonné de s’être laissé corrompre.

Conti parut alors se décider à s’unir enfin au maréchal, et il lui fit demander un rendez-vous pour le lendemain, 2 août, dans des termes qui semblaient bien indiquer quelques remords de s’être fait si longtemps attendre. — « Si vous ne pouvez venir, lui écrivit-il, ce qui serait signe de combat, J’irai vous rejoindre à tire d’ailes avec toutes les forces que je pourrai vous amener. »

La conférence eut lieu, le 2 août, dans la bourgade de Walhem. Une discussion s’engagea immédiatement entre les deux généraux, elle fut très vive et ne tarda pas à devenir orageuse ; Conti, si lent à se mettre en mouvement la veille, voulait maintenant agir sans délai et pousser droit à l’ennemi ; ce fut, au contraire, Maurice qui tint à rester dans une imposante et formidable attitude de défense. Non que, s’il eût suivi ses propres inspirations, il n’eût été porté, comme toujours, au parti le plus audacieux ; mais il connaissait ses instructions et la limite qu’il lui était défendu de franchir. A quoi bon, dès lors, attaquer, si, même victorieux, il lui était interdit de poursuivre ? Il valait mieux laisser le prince de Lorraine en face de la masse vraiment redoutable qu’allaient former les deux armées réunies, gêner ses communications avec la Hollande et attendre que, n’osant : pas avancer et ne pouvant subsister longtemps sur le coin de terre étroit et promptement épuisé où il s’était campé, il prît de lui-même le parti de la retraite[2].

Le débat se prolongea pendant deux jours devant les états-majors des deux armées, informées de la dissidence et attendant l’issue avec impatience. Conti avait pour lui tout ce qui était jeune et bouillant, même dans l’armée de Saxe, la conduite de Maurice, dont on ne pénétrait pas le secret, causant à la vivacité française un véritable agacement de nerfs ; et parmi ceux qui ne cachaient pas leur mécontentement, il fallait compter le chevalier de Belle-Isle, confident intime et correspondant régulier du maréchal, son frère, auquel il avait soin de faire connaître tout ce qui se passait à

  1. Maurice de Saxe à d’Argenson, 31 juillet 1746. — D’Argenson à Maurice, 2 août 1740. — Conti à Maurice, 1er août 1746. — (Ministère de la guerre.)
  2. C’est ce que le chevalier de Belle-Isle (présent à l’armée comme je vais le dire) écrit à son frère le 4 août pendant la durée même de la conférence. — « Je ne sais si les dispositions de M. le prince de Conti sont nerveuses ; mais il me parait que celles de M. le maréchal visent à la défensive, non que je pense qu’il la juge nécessaire, vu la supériorité des deux armées réunies, mais apparemment parce qu’il la croit plus homogène aux dispositions du conseil. » — (Ministère de la guerre. — Partie supplémentaire.)