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et sans expérience. Après l’évacuation de Milan, opérée sous l’empire d’une véritable panique par l’armée espagnole, la Lombardie était perdue. Les Autrichiens, sous la conduite du marquis de Botta qui remplaçait le prince Lichtenstein, s’y répandaient sans obstacle. Ce n’eût été que demi-mal, et le malheur eût encore été bon à quelque chose, si, instruits par l’expérience, l’infant et ses conseillers eussent renoncé à une conquête qui avait si mal tourné et fussent revenus au plan de concentration, si heureusement suivi l’année précédente. La raison leur commandait, sinon de venir rejoindre tout de suite Maillebois, toujours campé à Novi, au moins de lui tendre la main en restant en observation devant Pavie et le long du cours supérieur du Pô. De la sorte les deux armées rapprochées, au moindre signal, auraient pu faire face en commun, soit à gauche à un mouvement agressif de Charles-Emmanuel, soit à droite à la marche victorieuse de l’armée autrichienne, et empêcher la jonction de ces forces ennemies. Ce fut le sage conseil de Maillebois, qui n’eut pas le bonheur d’être agréé, l’infant ayant pour consigne de ne quitter à aucun prix les états héréditaires de sa mère. Aussi, arrêtant à Plaisance sa retraite précipitée, il s’obstina à y rester avec tout son monde ; il laissait ainsi entre Maillebois et lui une distance longue à parcourir et un vide impossible à combler. Ce ne fut qu’à grand peine qu’on put obtenir de lui de rappeler un détachement qu’il avait déjà aventuré à Parme, loin de tout secours possible.

Ce que Maillebois avait prévu ne manqua pas d’arriver : Plaisance, devenant le quartier-général de l’armée espagnole ainsi séparée de son alliée, devint aussi, par là même, l’objectif des deux armées piémontaise et autrichienne. Sûrs de franchir sans obstacle l’espace laissé libre devant eux, Emmanuel et Botta se donnèrent rendez-vous sur ce point naturellement désigné pour opérer leur réunion. Les Autrichiens arrivèrent les premiers, et leur seule présence dans les campagnes environnantes fit manquer tout de suite de vivres et de fourrages la ville, où aucun magasin n’avait été préparé. Le général Braun, lieutenant de Botta (mais plus actif et plus entreprenant que son chef), déclarait déjà tout haut que le siège qui allait commencer ferait oublier les rigueurs de celui de Prague. L’infant alors, se sentant serré de si près, prit peur et envoya à Maillebois l’ordre de détacher de son armée dix bataillons et de les lui expédier, promettant de faire, moyennant ce secours, un puissant effort pour se dégager, ce qui permettrait de les lui ramener et de les lui rendre.

Maillebois s’exécuta à regret, ne se dégarnissant pas sans crainte du tiers environ des forces dont il pouvait disposer. Il laissa