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Cette révolution a été la conséquence des expériences de Lavoisier sur l’oxydation des métaux et sur la combustion, sur la respiration et sur la chaleur animale, conséquence hautement déclarée par ce grand inventeur, et poursuivie par lui dans tout l’ensemble des phénomènes, avec une méthode et une logique invincibles.

Je vais essayer de retracer l’enchaînement de ses découvertes.

Vers 1780, les anciennes doctrines de la chimie étaient ébranlées jusque dans leurs fondemens. Les élémens antiques avaient été dépouillés les uns après les autres de leur existence traditionnelle, par les travaux de Lavoisier et de ses contemporains.

L’air élémentaire avait disparu, pour faire place à une multitude de corps gazeux, distincts les uns des autres ; et l’air commun, jusque-là réputé simple, avait été reconnu composé, c’est-à-dire l’orme par le mélange de deux de ces gaz nouveaux, l’oxygène et l’azote.

L’eau élémentaire, elle aussi, avait cessé d’être regardée comme le support idéal de la liquidité, substance commune à tous les corps fondus ; et l’eau ordinaire, qui en était le type, allait être reconnue également composée, mais d’une autre façon que l’air, c’est-à-dire formée par la combinaison de deux gaz, l’hydrogène et l’oxygène.

Depuis longtemps déjà, la terre élémentaire n’était plus qu’une pure entité. La multiplicité de ses formes est manifeste pour l’expérience la plus vulgaire, et l’impossibilité de les réduire à une même substance résultait de l’échec constant et désormais constaté sans retour de ces tentatives de transmutation des métaux, auxquelles s’était obstiné tout le moyen âge. Au moment dont je parle, la notion vague des diverses terres était sur le point d’être remplacée par la définition précise des nombreux corps simples de la chimie moderne.

Ainsi trois des anciens élémens des philosophes grecs étaient supprimés : non cependant d’une façon définitive ; car ils allaient renaître dans une notion nouvelle, celle des trois états généraux de la matière, communs à tous les corps. Chassés de la chimie, ils reparaissent dans l’ordre des phénomènes physiques, et Lavoisier fut l’un des premiers, comme je vais le montrer, à proclamer cette transformation des idées.

Elle était liée elle-même avec un changement non moins profond dans la conception du quatrième élément des philosophes anciens, le feu. En effet, les découvertes de Lavoisier, en faisant évanouir la notion du phlogistique, dépouillèrent le feu de son caractère substantiel ; mais l’idée même du feu subsista, dans ce qu’elle représentait de réel, sous le nom du calorique ou fluide igné, privé