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les contribuables. Dès maintenant, la charge des contributions imposées est lourde pour les petits cultivateurs et les artisans. Admettons qu’un petit cultivateur occupe deux valets de ferme et deux servantes, assurés dans la première classe de salaires : il aura ainsi à acquitter annuellement 29 marcs 12 pfennigs de primes, la moitié à sa charge. Un artisan qui occupe une servante et un apprenti à assurer dans la classe inférieure, plus deux compagnons tombant dans la classe la plus élevée en raison de leur salaire, devra verser par an à l’office d’assurance contre l’invalidité 45 marcs 76 pfennigs, sans compter la contribution à la caisse des malades. Eh bien, des gens de condition modeste, comme nos artisans et nos petits propriétaires ruraux, ne considèrent pas ces charges comme des quantités négligeables. Que si l’artisan en question a commencé par être ouvrier et sa femme servante, s’il trouve bon de conserver son droit à une pension de vieillesse par une assurance volontaire, il aura à payer chaque année 34 marcs 22 pfennigs en sus pour sa femme et pour lui, soit 79, 98 marcs de contributions sous l’effet de la loi nouvelle. Encore n’est-ce pas tout. Il faut aussi tenir compte de la part contributive de cette famille d’artisans ou de cultivateurs à la subvention de l’empire pour les rentes de vieillesse et d’invalidité, subvention bel et bien supportée par les contribuables sous forme d’impôts indirects. Aucun document officiel ne fait connaître la part des ouvriers, soumis à l’assurance obligatoire, dans les impôts indirects nécessaires pour couvrir les subventions de l’Etat. Ces impôts consistent, en Allemagne, en taxes de consommation sur la bière, l’eau-de-vie, le tabac, le sucre et le sel. Ils atteignent en moyenne 203 millions de marcs pour tout l’empire allemand, d’après les rendemens des trois dernières années, soit annuellement 4,33 marcs par tête d’habitant ou 17,32 par famille de quatre individus, avec une charge à peu près égale pour les droits de douanes. Les millions indispensables pour la subvention de l’empire et le service des rentes d’invalidité ne pourront être fournis que par des impôts nouveaux, en sorte que l’Etat prend dans une poche ce qu’il verse dans l’autre. Si l’on considère, d’un autre côté, que les dépenses courantes pour l’armée et la marine ont augmenté de 120 millions de marcs par an depuis l’annexion de l’Alsace-Lorraine, on trouverait bien dans cette somme de quoi accorder une rente annuelle de 100 marcs à tous les sujets allemands âgés de soixante-dix ans et plus, à condition de réduire les dépenses militaires. Cette éventualité, pourtant, n’est pas à la veille de se réaliser, et les impôts de consommation continueront à s’accroître, jusqu’au jour où les démocrates-socialistes et autres se sentiront assez forts pour remplacer ces impôts de consommation par un impôt sur le revenu ou sur les capitaux. Les mesures de