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gouvernement établi a proclamé la nécessité des assurances ouvrières et a présenté le service de rentes par l’État aux sujets invalides comme une mesure de salut public, comme une garantie de l’ordre existant, comme le moyen le plus sûr d’enrayer les progrès du socialisme révolutionnaire. Aux élections parlementaires du 20 février 1890, les démocrates socialistes, au lieu d’une diminution du nombre de leurs adhérons, ont emporté un nombre de voix presque double du chiffre atteint aux élections précédentes, trois ans auparavant. Leurs suffrages, au premier tour du scrutin, se sont élevés à 1,341,000 au lieu de 763,000 en 1887, et au lieu de 11 sièges qu’ils occupaient au Reichstag pendant la précédente législature, ils vont en avoir 36 pendant la session prochaine. Quelques semaines avant les élections, le Reichstag avait repoussé un projet de loi qui autorisait la police à exiler hors du territoire allemand les sujets suspects de menées socialistes. La majorité ne voulait pas de cette mesure d’exception, parce qu’elle lui paraissait inefficace, les mesures de rigueur contre les socialistes ayant seulement pour effet d’augmenter les farces du parti. A la veille du scrutin, l’empereur déclara aussi que ses préférences étaient acquises au succès de la coalition des conservateurs et des nationaux-libéraux, désignée sous le nom de parti du cartel. Or les électeurs ont écrasé le parti du cartel, de même que les rescrits impériaux du 4 février dernier, proclamant la nécessité d’améliorer la condition des ouvriers, sont restés sans effet sur le résultat des élections.

Dans le premier de ces rescrits, adressé au chancelier de l’empire, l’empereur Guillaume II dit : « Je suis décidé à prêter la main à l’amélioration de la condition des ouvriers allemands autant que le permettra la nécessité de conserver à l’industrie nationale la faculté de concourir sur le marché universel, et de garantir ainsi son existence et celle de ses ouvriers. Un recul des exploitations indigènes, par suite de la perte de leurs débouchés à l’étranger, n’enlèverait pas seulement leurs bénéfices aux patrons, mais aussi le pain à leurs ouvriers. Les difficultés que la concurrence internationale suscite à l’amélioration du sort de la classe ouvrière ne peuvent être, sinon surmontées, du moins amoindries que par une entente internationale des pays participant au marché universel. Persuadé que d’autres gouvernemens sont également animés du désir de soumettre à un examen commun les tendances déjà soumises à des transactions internationales par les ouvriers de ces pays, je veux que la France, l’Angleterre, la Belgique et la Suisse soient consultées tout d’abord par mes représentans afin de savoir si les gouvernemens sont disposés à entrer en rapport avec nous à propos d’une entente internationale sur la possibilité de