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peuvent fonctionner les institutions libres ; c’est l’industrie qui a développé le principe de l’individualisme. En vain, sont ouvertes 30,000 écoles chez un peuple qui a toujours eu de la curiosité et le goût de s’instruire ; en vain l’on a construit quelques chemins de fer et quelques filatures, la force qui domine la société japonaise est encore la force féodale et anticommerciale.

Les régimes sociaux s’offrent, dans le même ordre de succession et avec des traits identiques, chez des nations qui n’ont eu entre elles aucun rapport. De tous ces régimes, celui qui a été le plus universel et dont on retrouve partout le plus de traces, c’est le régime féodal. M. Yeijiro Ono nous le décrit tel qu’il a subsisté au Japon jusqu’à la révolution de 1868. Jetons à sa suite un coup d’œil sur le pays et sur la population.

L’empire japonais se compose d’une très grande île oblongue, au climat tempéré, appelée Hondo, qui forme le centre de l’archipel, d’une autre île septentrionale, assez vaste, de forme presque carrée et de climat hyperboréen, Yéso, de deux îles méridionales de moyenne étendue, Shikoku et Kiushiu, situées la première en face de la partie sud de Hondo et formant avec elle une sorte de mer intérieure, la seconde au-dessous de Hondo, enfin d’un très grand nombre d’îles minuscules éparses, à proximité des côtes des îles principales. Le développement de ces côtes est énorme ; aucune autre contrée civilisée n’en présente un semblable. La Grande-Bretagne, dans sa partie centrale et méridionale, est beaucoup plus massive. Ce sont là des conditions très propices à l’essor de la population, du commerce et des arts. Le seul obstacle est que la grande île de Hondo se trouve coupée dans toute sa longueur par une chaîne de montagnes qui, sur un assez long parcours, offre une certaine élévation. C’est un léger inconvénient au milieu de tant d’avantages. Si le Japon avait la bonne fortune de posséder, comme la Grande-Bretagne, des mines de houille et de métaux, — et nous verrons qu’il n’en semble pas dépourvu, — on lui pourrait prédire un avenir industriel et maritime assuré.

La côte orientale du Japon, celle sur le Pacifique, est exposée à l’action bienfaisante des courans tropicaux ; la côte occidentale, au contraire, est soumise au courant arctique, qui y produit des orages et des tempêtes. Toute la partie du sud est découpée par d’innombrables baies, qui servent d’abri aux pêcheurs et aux mariniers ; puis une véritable mer intérieure, avec les précieux avantages de cette disposition topographique, est formée par les deux îles moyennes méridionales, Shikoku et Kiushiu, avec le sud de l’île principale Hondo. On a fait beaucoup de recherches sur les origines du peuple japonais. On admet qu’une conquête fut effectuée par