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déclin marqué et certaines perdent jusqu’à 20,000 âmes. Trait caractéristique qui ne se voit plus en Europe, la population quitte les villes pour les campagnes. Sur un ensemble de 38 millions d’âmes en 1886 pour tout le Japon, 3,524,000 seulement, moins de 10 pour 100, habitent les villes de plus de 20,000 âmes. M. Yeijiro Ono rapproche cette distribution de celle des États-Unis et de l’Angleterre, où 25 pour 100 de la population, pour les premiers, et 60 pour 100, pour la seconde, habitent les villes. Le Japon est donc aujourd’hui une contrée purement agricole.

On prétend que la population s’y est beaucoup accrue depuis le commencement du siècle. En rassemblant les registres des provinces, on trouve qu’en 1815, en pleine féodalité, la nation japonaise ne comptait que 25,620,000 âmes. Des recensemens faits à la moderne chaque année depuis 1872 lui ont découvert un chiffre d’habitans beaucoup plus considérable : 33,600,000 en 1876 et plus de 39 millions en 1886. On est peut-être en droit de n’accorder qu’une confiance restreinte à ces dénombremens dont les écarts sont trop sensibles pour s’expliquer sans l’intervention de quelques erreurs. M. Yeijiro Ono admet que la population dans ces dernières années augmente de 360,000 âmes environ par an.

Comme la superficie des quatre grandes îles et des milliers d’îlots qui composent le Japon ne paraît pas atteindre 380,000 kilomètres carrés (la Grande-Bretagne et l’Irlande en comptent 314,000 et la France 528,000), on a une moyenne de plus de 100 habitans par kilomètre carré, soit de 40 pour 100 supérieure à la densité moyenne de la population française et l’équivalent approximatif de la densité de la population italienne. Cette forte population du Japon est d’autant plus remarquable que la grande île septentrionale, la seconde en étendue et la plus massive de l’archipel, Yéso ou Hokkaido, n’a pas 5 habitans par mille carré, environ 2 habitans par kilomètre carré. Toute la partie septentrionale de la principale île, Hondo, ne possède aussi qu’une population assez disséminée, moins de 100 habitans par mille carré, ou de 40 par kilomètre carré. Il faut donc que la population foisonne dans certaines parties de l’archipel ; et, de fait, dans diverses provinces, qui ne contiennent pas de grandes villes commerciales, on compte plus de 500 habitans par mille ou de 200 par kilomètre carré. Cependant, le Japon, jusqu’ici du moins, n’a pas, pour entretenir sa population, les ressources d’un riche sous-sol en exploitation comme celui de la Belgique ou du nord de l’Angleterre, non plus que les débouchés d’un vaste commerce international. Il faut donc ou que le sol japonais soit très productif, ou que la population japonaise ait beaucoup de sobriété : l’une et l’autre conditions contribuent à cette densité de la population de l’archipel.