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Elle est, disions-nous, presque toute agricole : d’après le recensement de 1876, que cite M. Yeijiro Ono, le nombre des adultes engagés dans la production était évalué à 19,010,000, dont 14,870,000 agriculteurs (farmers), 701,000 artisans, 1,309,000 marchands ou commerçans et 2,129,000 hommes adonnés à des professions diverses. La classe des nobles, qui est encore reconnue par la loi, quoique sans privilège politique ou économique, comprenait 424,326 ménages en 1886 (numbered 424,326 households). Il est temps d’examiner ce qu’est cette agriculture qui miraculeusement, sans le secours des machines, ni presque du commerce, fait vivre tant de gens sur un si étroit territoire.


II

Les campagnes japonaises sont en train de s’émanciper du régime féodal[1]. Celui-ci a été détruit en 1868 ; mais ce n’est pas en une génération que les mœurs se transforment, que les esprits s’ouvrent et que les méthodes se succèdent. L’écrivain japonais n’a pas pour l’agriculture de son pays l’admiration et la tendresse que manifestent à l’endroit de la leur, quand ils daignent nous communiquer leurs impressions, les Chinois. Le paysan n’est encore émancipé que par la loi, non par l’esprit : « le paysan est stupide, » cette dure sentence revient fréquemment sous la plume de M. Yeijiro Ono. Dans certaines provinces, les trois quarts des terres sont des terres publiques et restent incultes ; l’agriculture japonaise offre le type le plus extrême de la petite exploitation, small farming ; et l’auteur, impressionné par les États-Unis et l’Angleterre, apprécie surtout l’agriculture scientifique et industrielle et, sinon les énormes, du moins les grandes fermes. Peut-être oublie-t-il trop que, sans parler des merveilles problématiques de la culture chinoise, la petite exploitation, même sans la petite propriété, arrive dans les Flandres à des résultats prodigieux que M. Emile de Laveleye a décrits dans son Rapport sur l’agriculture belge. L’auteur japonais considère le système des petites exploitations comme transitoire et aspire à sa transformation. Il nous déclare que le blé japonais est le plus mauvais blé du monde. Il ajoute qu’on croit généralement que la productivité du sol a diminué depuis le Xe siècle. On ne saurait vraiment lui reprocher de trop vanter son pays.

La terre se trouvait soumise, il y a moins d’un quart de siècle

  1. Voir, à ce sujet, les études que M. George Bousquet a publiées dans la Revue de 1874 à 1878.