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chemins de fer au Japon. En 1872, on construisit la ligne entre Tokio et Yokohama, deux grandes villes voisines, dont la seconde sert en quelque sorte de port à la première, puis une autre, de peu de longueur, entre Kobe (Hiogo), autre port important, et Otsu. Cela ne faisait en tout que 80 milles ou 130 kilomètres. Après cet essai, on fit des études et des plans. Puis, en 1881, on constitua la Japanese Railroad C°, au capital de 20 millions de yens, une centaine de millions de francs, somme énorme pour le Japon. En même temps, le gouvernement construisait lui-même quelques lignes, notamment au cœur de la grande île septentrionale et massive, Yéso. Le public se prit de passion pour les chemins de fer : le Japon eut sa railway mania, comme l’Angleterre, cinquante ans plus tôt. En 1886-1887, on fonda treize compagnies nouvelles. M. Yeijiro Ono paraît croire que la première période d’exploitation des lignes ferrées donnera dans son pays des déceptions à cause surtout des habitudes aujourd’hui très sédentaires de la population rurale, et, il eût pu ajouter, de la concurrence de la voie maritime, le Japon étant déchiqueté de tous côtés par la mer qui y entre sous forme de golfes, de baies, de criques ou d’anses.

Un autre écrivain japonais, qui écrit à une date plus récente et entre dans plus de détails, M. T. Ourakami, envoyait, il y a quelques semaines, à l’Économiste français une correspondance qui respirait beaucoup plus la confiance. A l’heure présente, le Japon possède 905 milles (plus de 1,450 kilomètres) de chemins de fer en exploitation, sur lesquels 486 milles (785 kilomètres) sont des lignes d’état ; les voies ferrées en construction atteignent 520 milles (environ 850 kilomètres) et celles en projet 341 milles (550 kilomètres approximativement). Le réseau approcherait ainsi de 3,000 kilomètres.

M. T. Ourakami présente les 1,450 kilomètres existans comme une bonne allaire au point de vue financier : « Les compagnies sont, dit-il, dans une situation très prospère. La moyenne des dividendes qu’elles distribuent aux actionnaires est de 6 à 10 pour 100 par an. Bien souvent ils dépassent 10 pour 100 ; aussi les actions de ces compagnies sont-elles fort recherchées. » Le gouvernement japonais, à notre sens, fera bien de laisser le réseau se développer en quelque sorte spontanément sans s’engager, au moins actuellement, comme certains gouvernemens des pays neufs, dans de ruineuses garanties d’intérêts. Les premiers 5,000 ou 6,000 kilomètres de voies ferrées, dans un pays de près de 40 millions d’âmes, même malgré la concurrence maritime, doivent, si l’économie préside à la construction et à l’exploitation, pouvoir payer l’intérêt et l’amortissement des capitaux engagés. Le gouvernement japonais parait