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pour 2,300,000 yens (11 millions et demi de francs), le fer travaillé pour 2,235,000 yens (11 millions et quart) : ce sont là les deux tiers de l’importation. Or, le Japon ne produit qu’une quantité insuffisante de coton et de sucre ; il n’élève pas de troupeaux de moutons, le pays ne paraissant pas propice à ces animaux ; il n’a pas de pétrole. Ce serait charger inutilement le peuple que d’établir des droits prohibitifs ou très élevés sur ces denrées. Elles préparent, au contraire, la civilisation en éveillant les besoins et les désirs. La véritable politique du Japon est d’étendre son commerce étranger et son industrie maritime, particulièrement dans les deux Amériques, l’Australie et les îles du Pacifique, et non pas d’arrêter par des droits prohibitifs des relations à peine naissantes.

Ce n’est pas que M. Yeijiro Ono soit partisan des traités qui lient encore le Japon avec les puissances de civilisation européenne et que ce pays fait, à l’heure présente, tant d’efforts pour réviser. Ces traités, il les veut complètement modifier. Il considère comme indispensable au développement de sa nation son affranchissement d’une sujétion qui est à la fois humiliante et gênante. Cette question des traités intéresse en même temps les personnes et les marchandises. Accordera-t-on aux étrangers le droit de circuler dans tout le pays, de s’y établir, d’y posséder ? C’est à ce sujet que se passionne la population japonaise, et le sentiment populaire paraît être opposé à des concessions importantes en cette matière. Cinq ports seulement sont fixés par les traités pour les relations de commerce entre les étrangers et le Japon ; une nouvelle loi, du mois d’août 1889, a ouvert neuf nouveaux ports pour l’exportation de cinq importans articles : le riz, le blé, la farine, le charbon et le soufre. Doit-on aller plus loin ? Le Japon y éprouverait beaucoup de répugnance ; mais peut-être y consentirait-il, s’il pouvait regagner ainsi sa liberté fiscale. Les droits établis à l’importation, sous le régime des traités, sont insignifians ; ils ne rapportent que 1,398,000 yens (environ 7 millions de francs), pour une importation totale de près de 32 millions de yens (160 millions de francs) ; ils ne représentent ainsi que 4 1/2 pour 100 environ. Pour compenser cette stérilité de la douane à l’importation, le gouvernement est obligé de maintenir pour plus de 1,200,000 yens (6 millions de francs) de droits de douane à l’exportation, et néanmoins le revenu total des douanes reste misérable (13 millions de francs environ).

On ne saurait blâmer les Japonais de vouloir s’émanciper d’une aussi gênante entrave. M. Yeijiro Ono calcule que des droits d’importation de 30 pour 100, qui ne seraient pas prohibitifs, sur les articles de luxe et de demi-luxe produiraient un surcroît de ressources de 6 millions de yens (30 millions de francs), qu’on