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Puisqu’elle est locale, elle est fondée sur la proximité plus ou moins grande des habitations. Ainsi, quand on veut la comprendre, il faut observer le cas où cette proximité est la plus grande ; c’est celui de quelques maisons dans nos villes du sud-est, par exemple à Grenoble et Annecy ; parfois, une même maison y appartient à plusieurs propriétaires distincts, chacun possédant son étage ou son appartement dans un étage, tel la cave ou le grenier, chacun d’eux ayant tous les droits de propriété sur sa portion, le droit de la louer, de la vendre, de la léguer, de l’hypothéquer, mais tous en communauté pour l’entretien du toit et des gros murs. — Manifestement, leur association n’est pas libre ; bon gré, mal gré, chacun en est membre, car, bon gré, mal gré, chacun jouit ou pâtit du bon ou mauvais état du toit et des gros murs : partant, tous doivent fournir leur quote-part dans les frais indispensables ; même à la majorité des voix, ils ne sauraient s’en dispenser ; un seul réclamant suffirait pour les y astreindre ; ils n’ont pas le droit de lui imposer le danger qu’ils acceptent pour eux-mêmes, ni de se dérober aux dépenses dont ils profiteront comme lui. En conséquence, sur le rapport d’un expert, le magistrat intervient et, bon gré mal gré, les réparations s’exécutent ; puis, bon gré mal gré, de par la coutume et la loi, chacun paie sa quote-part, calculée d’après la valeur locative de la portion qui lui appartient. — Mais ses obligations s’arrêtent là ; en fait comme en droit, la communauté est restreinte ; les associés se gardent bien de l’étendre, de poursuivre en même temps un autre but, d’adjoindre à leur objet primitif et naturel un objet différent et supplémentaire, d’arranger dans une salle une chapelle chrétienne pour les habitans de la maison, dans une autre salle une école primaire pour les enfans de la maison, dans une dernière salle, un petit hôpital pour les malades de la maison ; surtout, ils n’admettent pas qu’on les taxe à cet effet, qu’on impose à chacun d’eux un surcroît proportionnel de contributions, tant de centimes additionnels par franc. Car, si le propriétaire du rez-de-chaussée est israélite, si le propriétaire d’une chambre au second étage est célibataire, si le propriétaire du bol appartement au premier étage est riche et fait venir son médecin chez lui, ils paieront tous les trois pour un service qu’on ne leur rend point. — Par la même raison, leur société reste une chose privée, elle ne fait pas partie du domaine public ; elle n’intéresse qu’eux ; si l’État lui prête ses tribunaux et ses huissiers, c’est comme aux particuliers ordinaires. Il troublerait son jeu et lui ferait tort, s’il l’excluait ou l’exemptait du droit commun, s’il l’enrôlait dans les cadres administratifs, s’il entamait son indépendance, s’il ajoutait à ses fonctions ou à ses charges : elle