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Le second acte de la comédie commence ; celui-ci est plus compliqué, et comprend plusieurs scènes, qui aboutissent, les unes à la nomination du conseil d’arrondissement, les autres à la nomination du conseil général de département. Ne prenons que ces dernières, plus importantes[1] ; il y en a deux, successives et qui se passent en des lieux différens. — La première[2] est jouée dans l’assemblée cantonale que l’on a décrite ; le président, qui vient de la diriger dans le choix des candidats municipaux, tire de son portefeuille une autre liste, fournie aussi par le préfet et sur laquelle sont imprimés les noms des six cents plus imposés du département ; c’est parmi ces six cents que l’assemblée cantonale est tenue d’élire les dix ou douze membres qui, avec leurs pareils, élus de même par les autres assemblées cantonales, formeront le collège électoral du département, et iront siéger au chef-lieu. Cette fois encore, le président, conducteur responsable du troupeau cantonal, a soin de le conduire ; son doigt posé sur la liste indique aux électeurs les noms que le gouvernement préfère ; au besoin, il ajoute un mot à son geste, et, probablement, les votans se montreront aussi dociles que tout à l’heure ; d’autant plus que la composition du grand collège électoral ne les intéresse qu’à demi ; ce collège ne les tient pas comme le conseil municipal par l’endroit sensible ; il n’est pas chargé de serrer ou relâcher les cordons de leur bourse ; il ne vote pas de centimes additionnels, il ne s’occupe pas de leurs affaires, il n’est là que pour la montre, pour offrir aux yeux le simulacre du peuple absent, pour présenter des candidats, pour jouer la seconde scène électorale toute pareille à la première, mais jouée au chef-lieu et par de nouveaux acteurs. — Eux aussi, ces figurans ont un conducteur on titre, nommé par le gouvernement et responsable de leur conduite, « un président qui a seul la police de leur collège assemblé, » et doit diriger leur vote. Pour chaque place vacante dans le conseil général du département, ils ont à présenter deux noms ; certainement, d’eux-mêmes, presque sans aide, sur la plus légère suggestion, ils devineront les noms convenables. Car ils ont la compréhension plus prompte et l’esprit plus ouvert que les membres arriérés et ruraux d’une assemblée cantonale ; ils sont mieux informés, ils se sont mis au courant, ils ont fait visite au préfet, ils savent

  1. Aucoc, Conférences sur l’administration et le droit administratif, §§ 101, 162, 165. Dans notre législation, l’arrondissement n’est pas devenu une personne civile, et le conseil d’arrondissement n’a guère d’autre emploi que la répartition des contributions directes entre les communes de l’arrondissement.
  2. Sénatus-consulte du 16 thermidor an X.