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son tableau, la Naissance d’Henri IV, ait du premier coup épuisé sa veine et donné une fois pour toutes la mesure de son talent assez superficiel, — enfin, sauf Ary Scheffer, quelque contraires à sa première manière qu’aient été les efforts tentés par lui dans la seconde moitié de sa vie, — peut-être n’est-il pas un seul des représentans les plus prônés jadis du dogme et de la peinture romantiques dont la grande majorité d’entre nous n’ait aujourd’hui oublié jusqu’au nom.

Quoi qu’il en soit, à mesure que se multipliaient les entreprises de la nouvelle école en face des essais de résistance et des protestations de l’ancienne, les sentimens divers qu’elles provoquaient se manifestaient avec une vivacité croissante. Engagée dans le domaine littéraire avec autant d’ardeur pour le moins que dans le domaine de l’art, la lutte en se généralisant ne tarda pas, — nous avons eu déjà l’occasion de le rappeler ailleurs, — à dégénérer en aventure ; à n’être plus qu’une mêlée confuse, ou plutôt un vain tumulte de paroles : si bien que les qualifications mêmes dont on s’était servi d’abord pour définir deux ordres de doctrines n’avaient déjà plus d’autre objet que d’étiqueter les inclinations, réfléchies ou non, de certains esprits et les affections ou les aversions personnelles de certains hommes.

On sait quelle est la puissance des mots dans notre pays et avec quelle facilité la foule se dispense d’en scruter le sens pour s’accommoder naïvement de ce que les intéressés leur font dire. Dans un autre champ que celui de l’art, les exemples ne manqueraient pas de concessions ou d’abus de cette sorte, et l’on pourrait citer tel terme courant du vocabulaire philosophique ou politique dont l’emploi, à force d’interprétations arbitraires, est devenu aujourd’hui bon à toutes fins. A l’époque où elles étaient le plus usitées, les épithètes de « classique » et de « romantique » avaient, suivant les besoins de chaque cause, une semblable élasticité. Si, pour se donner raison à peu de frais, bon nombre d’adversaires du classicisme faisaient purement et simplement de ce mot le synonyme de l’esprit de routine, combien de classiques, sans y regarder de plus près, ne voulaient voir dans le romantisme que l’extravagance érigée en système, et dans les affiliés à la nouvelle secte que des paresseux ou des fous ! Il arrivait même parfois que les questions se trouvaient plus simplifiées encore et les solutions plus radicales : témoin certaine comédie, le Classique et le Romantique,