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Nous ne nous arrêterons qu’à la dernière négociation politique que Catherine dirigea en personne.

Pendant les derniers mois de sa vie, Catherine, entre la guerre qu’elle poursuivait sur les bords de la mer Caspienne et celle qu’elle préparait contre la république française, travaillait, comme on sait, au mariage de sa petite-fille, la grande-duchesse Alexandrine, qui devait épouser le jeune roi de Suède Gustave IV. Ce prince, encore mineur, vint à Pétersbourg le 13 août 1796. Il était accompagné de son oncle, le duc de Sudermanie, alors régent, le même qui, en 1809, monta sur le trône et prit le nom de Charles XIII. Les lettres de l’impératrice à Grimm prouvent combien ce projet lui tenait à cœur.

Le 18 août, Catherine écrivait :


M. le souffre-douleur verra, par l’expédition que lui porte le courrier de ce jour, ce qui lui est arrivé de bien ou de mal : c’est selon qu’il lui plaira de trouver la chose à son goût.

Nous autres, nous n’avons pas infiniment de temps de reste pour faire dans ce moment de longues pancartes ; car, depuis le 13 de ce mois, nous sommes à faire les honneurs de chez nous aux comtes de Haga (Gustave IV) et de Wasa (duc de Sudermanie), avec une suite immense de plus de cent quarante personnes, depuis les maîtres jusqu’aux domestiques. Ils arrivèrent le susdit 13 au soir… Le 15 d’août, à six heures du soir, MM. les comtes vinrent à l’Ermitage, où, dans un quart d’heure, ils firent la connaissance de tout le monde. Le comte de Haga s’est attiré non-seulement l’approbation, mais même l’affection de tout le monde d’emblée ; ceci encore, notez cela, n’est jamais arrivé chez nous qu’à lui. C’est une figure très distinguée ; il est majestueux et doux ; physionomie charmante où l’esprit et l’agrément sont peints ; c’est un bien précieux jeune homme, et assurément, dans l’Europe présentement, aucun trône ne peut se vanter de rien de pareil en espérance. Il a le cœur bon et est d’une politesse extrême, à laquelle il joint une prudence et une mesure au-dessus de son âge ; en un mot, il est charmant, je vous le répète… Portez-vous bien ; pour moi, je suis leste comme un oiseau.


Ce 30 août 1796.

Je commence cette lettre par vous dire qu’étant, depuis le 15 d’août, dans les têtes continuelles depuis le matin jusqu’au soir, et du soir au matin, à cause du séjour du roi de Suède, et occupée avec cela de trois ou quatre affaires de la plus haute importance, il m’a été