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programme ; mais sa famille et ses amis s’y opposèrent formellement et les trois délégués, après avoir assisté à l’embaumement du corps, furent forcés de revenir à Milan pour rendre compte de leur insuccès à la Société de crémation renforcée, pour la circonstance, de toutes les associations politiques et populaires de la ville. L’assemblée, dans son indignation, exprima le vœu qu’on passât outre et qu’on exécutât les volontés du général ; mais la famille tint bon et tout se réduisit à ces protestations platoniques.

Cet échec n’empêcha pas la crémation de faire son chemin et de se répandre dans toute l’Europe. En Allemagne, la question se discute depuis 1849 et est entrée dans la voie des réalisations par l’incinération de Mme Dilke, dont j’ai parlé plus haut. L’Autriche-Hongrie en est encore à la théorie ; mais la Suisse est entrée dans le mouvement. Le crématoire installé à Zurich par M. L. Boury, et dont nous avons vu le plan à l’Exposition, fonctionne depuis un an, et, lors du dernier congrès d’hygiène, on y avait déjà pratiqué une dizaine d’incinérations. En Angleterre, le crématoire de Woking est en activité depuis 1875. Chaque opération ne coûte que 10 guinées tout compris. Celui de Saint-Jean-en-Surrey est un modèle d’élégance, et le duc de Bedford y a son four particulier annexé à celui du public.


II

La France n’a pas mis son empressement habituel à s’emparer de cette innovation. Il n’y a que neuf ans qu’elle est entrée dans la voie tracée par l’Italie. La Société française de crémation ne date que du congrès, de Turin (1880). Elle a pour président M. Koechlin, pour vice-président le docteur Bourneville et pour secrétaire-général M. Salomon. Elle compte 400 membres titulaires et 200 adhérens. Depuis sa création, elle poursuit son idée avec persévérance et elle a fini par triompher des résistances de l’opinion et de celle des pouvoirs publics.

Elle a trouvé son principal point d’appui au sein du conseil municipal, qui, dès le début, s’en est fait le défenseur. La commission qui fut chargée, en 1874, d’étudier le projet du grand cimetière qu’il s’agissait d’établir à Méry-sur-Oise, profita de la circonstance pour se prononcer en faveur de la crémation. L’année suivante, le conseil municipal, sur la proposition de M. Level, institua un concours spécial pour récompenser l’auteur du meilleur procédé d’incinération. De 1875 à 1880, il est revenu trois fois sur la question et l’a toujours tranchée dans le même sens. Enfin, le 24 décembre 1880, il