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instituant l’impôt local et le revenu du département ou de la commune, il les ménage encore davantage. — Dans le nouveau régime financier, des centimes, ajoutés à chaque franc d’impôt direct, forment la principale ressource du département et de la commune, et c’est par cette surcharge que chaque contribuable paie sa quote-part dans les dépenses locales. Or, sur la contribution personnelle, point de surcharge, point de centimes additionnels. De ce chef, le journalier sans propriété ni revenu, le manœuvre qui vit en garni, tout juste et au jour le jour, de son salaire quotidien, ne contribue pas aux dépenses de sa commune ni de son département. Sur les autres branches de l’impôt direct, les centimes additionnels ont beau pulluler, ils ne se greffent pas sur celle-ci et n’y viennent pas sucer la substance des pauvres[1]. — Mêmes ménagemens à l’endroit des demi-pauvres, à l’endroit de l’artisan qui est dans ses meubles, mais qui loge au-dessus du second étage et dans une chambre unique, à l’endroit du paysan, dont la masure ou la chaumière n’a qu’une porte et une fenêtre[2]. Le chiffre de leur contribution pour les portes et fenêtres est très bas, abaissé de parti-pris, maintenu au-dessous d’un franc par an, et le chiffre de leur contribution mobilière n’est guère plus fort. Sur un principal si mince, les centimes additionnels auront beau s’implanter et se multiplier, ils ne feront jamais qu’une somme minime. — Principal et centimes additionnels, on en fait remise aux indigens, non-seulement aux indigens vérifiés, inscrits, secourus ou qui devraient l’être, c’est-à-dire à 2,470,000 personnes[3], mais encore à d’autres, par centaines de mille, que le conseil municipal juge incapables de payer. — Même quand les gens ont un petit bien foncier, on les dispense aussi de la contribution foncière et des centimes additionnels très nombreux qui la grossissent : c’est le cas s’ils

  1. Paul Leroy-Beaulieu, Traité de la science des finances, 4e édition, I, p. 303 : « La taxe personnelle, n’étant perçue qu’en principal, oscille entre le minimum de 1 fr. 50 et le maximum de 4 fr. 50 par an, selon les communes. » — Ibid., 304 : « En 1866, l’impôt personnel produisait en France environ 16 millions de francs, soit moins de 0 fr. 50 par tête d’habitant. »
  2. Ibid., I, 307. (Sur la contribution des portes et fenêtres.) Selon la population de la commune, elle est de 0 fr. 30 à 1 franc pour une ouverture, de 0 fr. 45 à 1 fr. 50 pour deux ouvertures, de 0 fr. 90 à 4 fr. 50 pour trois ouvertures, de 1 fr. 60 à 6 fr. 40 pour quatre ouvertures, de 2 fr. 50 à 8 fr. 50 pour cinq ouvertures. Or le premier de ces deux chiffres s’applique à toutes les communes de moins de 5,000 âmes. On voit que le pauvre, surtout le paysan pauvre, est ménagé : à son égard, l’impôt est progressif en sens inverse.
  3. De Foville, la France économique (1887), p. 59 : « Nos 14,500 bureaux de bienfaisance ont secouru, en 1883, 1,405,500 personnes ; .. comme, en réalité, la population des communes desservies (par eux) n’est que de 22 millions d’habitans, la proportion des inscrits s’élève à 6, 5 pour 100.