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distances les symboles des nations qui les émettaient : les pièces gauloises ne sont guère que des contrefaçons du monnayage grec sous Philippe ou Alexandre, et on a retrouvé, jusque dans les tumuli de la Scandinavie, des pièces qui imitaient grossièrement des monnaies de la Bactriane.

Or, rien n’est aussi contagieux qu’un symbole, sauf peut-être une superstition ; à plus forte raison quand ils sont réunis, et ils l’étaient d’ordinaire chez les peuples de l’antiquité, qui n’adoptaient guère de symbole sans y attacher une valeur de talisman. Même aujourd’hui, il ne manque pas de touristes qui reviennent de Naples avec une corne de corail pendue, suivant le sexe du voyageur, au bracelet ou à la chaîne de montre. Croient-ils réellement trouver un préservatif contre le mauvais œil dans cette survivance italienne d’un vieux symbole chaldéen ? Pour beaucoup d’entre eux, ce n’est assurément qu’une curiosité locale, un bibelot, un souvenir de voyage. Mais il en est certainement, dans le nombre, qui se laissent influencer, peut-être à leur insu, par le préjugé napolitain : « Cela ne peut faire de mal et cela fera peut-être du bien, » seraient-ils tentés de vous répondre, à l’instar de certains joueurs qu’on plaisante sur leurs fétiches. Il y a là un raisonnement qui est à peu près général parmi les populations polythéistes, où chacun juge prudent de rendre hommage non-seulement à ses propres dieux, mais encore à ceux des autres et même aux divinités inconnues, car sait-on jamais de qui l’on peut avoir besoin, dans ce monde ou dans l’autre ? C’est par milliers qu’on a retrouvé les scarabées égyptiens, de la Mésopotamie à la Sardaigne, partout où ont pénétré soit les armées des Pharaons, soit les navires des Phéniciens. Partout aussi, dans ces parages, on a recueilli des scarabées indigènes fabriqués à l’imitation de l’Egypte et reproduisant avec plus ou moins d’exactitude les symboles que prodiguaient, sur le plat de leurs amulettes, les graveurs de la vallée du Nil. C’est ainsi encore que, longtemps avant la diffusion des monnaies, les poteries, les bijoux, les figurines de la Grèce et de l’Étrurie ont fourni de types divins et de figures symboliques tout le centre et l’occident de l’Europe.

Y a-t-il des indices qui permettent de distinguer si des symboles analogues ont été engendrés isolément ou s’ils dérivent d’une même source ? La complexité et la bizarrerie des formes, lorsqu’elles dépassent certaines limites, sont de nature à autoriser la seconde de ces hypothèses. On connaît l’aigle à deux têtes de l’ancien empire germanique, passé aujourd’hui dans les armes de l’Autriche et de la Russie. Quelle ne fut pas la surprise des Anglais Barthe et