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bouddbistes concentraient sur l’image de leur Maître respectif les principaux, attributs du Soleil, à commencer par ce nimbe dont le prototype remonte aux auréoles gravées sur les monumens chaldéens, entendaient-ils rendre hommage à l’astre du jour ? En réalité, ils prétendaient uniquement reporter sur la physionomie vénérée de leur fondateur le symbole qui non-seulement a formé, de temps immémorial, une image de la gloire céleste, mais qui encore caractérisait d’une façon spéciale, dans les cultes contemporains, la personnification la plus haute de la divinité. Il faut se rappeler la réponse d’un Père de l’Eglise à ceux qui accusaient les chrétiens de fêter le jour du soleil : « Nous solennisons ce jour, non comme les infidèles, à cause du soleil, mais à cause de celui qui a fait le soleil. » Constantin allait plus loin encore lorsqu’il composait, pour être récitée le dimanche par les légions, une prière qui pouvait satisfaire à la fois, selon la remarque de M. V. Duruy, les adorateurs de Mithra, de Sérapis, du Soleil et du Christ. Le symbolisme peut s’allier aux tendances les plus mystiques, mais, à l’instar du mysticisme lui-même, il est un puissant auxiliaire du sentiment religieux contre l’immobilité du dogme et la tyrannie de la lettre. M. Anatole Leroy-Beaulieu a montré, ici même, comment en Russie, grâce à l’interprétation symbolique des textes études cérémonies, le ritualisme conservateur des vieux-croyans a pu aboutir à la liberté des doctrines et, dans certains cas, à un complet rationalisme, sans rompre avec les formes traditionnelles du christianisme et même de l’Église orientale.

Il arrive une heure où les religions qui font une large part au surnaturel se trouvent en conflit avec le progrès des connaissances et surtout avec la foi croissante à un ordre rationnel de l’univers. Le symbolisme leur offre alors une voie de salut dont elles ont plus d’une fois profité pour marcher avec leur temps. Si nous prenons les peuples au degré inférieur du développement religieux, nous trouvons chez eux des fétiches, c’est-à-dire des êtres et des objets arbitrairement investis de facultés surhumaines, — ensuite, des idoles, qui sont des fétiches taillés à la ressemblance de l’homme ou de l’animal ; — mais nous n’y découvrons guère de symboles, car ceux-ci impliquent à la fois le désir de représenter de l’abstrait par du concret et la conscience qu’il n’y a pas d’identité entre le symbole et la réalité ainsi représentée. Quand l’esprit s’ouvre à la notion de dieux abstraits ou invisibles, il peut conserver sa vénération à ses anciens fétiches, désormais regardés comme les signes représentatifs des divinités. Enfin, quand on arrive à concevoir un Dieu suprême, dont les anciennes divinités sont simplement les ministres ou les hypostases, ces antiques représentations figurées peuvent encore jouer un rôle, à condition d’être mises en rapport avec