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et aux doctrines de l’inflationnisme, que le vote d’un bill quelconque sur l’argent est certain.

Le monde financier, à New-York et à Londres, compte donc sur un de ces mouvemens soudains de hausse qui, dans le jargon boursier anglo-saxon, sont appelés booms. La spéculation n’a pas attendu le vote, naturellement. Elle s’est mise en campagne sur le simple espoir du silver bill, et les achats se sont précipités sur toutes les valeurs que l’on peut supposer devoir bénéficier de la hausse du métal-argent, notamment les obligations des chemins de fer américains, toutes, dès maintenant, en grande hausse sur le Stock-Exchange comme au-delà de l’océan Atlantique.

Cette brusque poussée des valeurs américaines n’a pas été étrangère au raffermissement des fonds internationaux européens dans les derniers huit jours. Les places de Vienne et de Berlin, sous l’impression des émeutes de Vienne et de Biala, avaient plutôt des tendances faibles ; mais la hausse de l’argent a déterminé un courant très vif de demandes sur le rouble à Berlin, et aussitôt les cours de tous les fonds russes, bientôt après ceux du Hongrois et de l’Italien, ont été favorablement affectés.

Les rentes russes ne profitent de la hausse de l’argent que parce que cette hausse est supposée devoir entraver les exportations de produits agricoles de l’Inde au bénéfice de celles de la Russie. La rente italienne a été surtout favorisée. Les rachats du découvert l’ont poussée à 94.45. La situation économique du royaume n’accuse encore aucun symptôme de sérieuse amélioration, mais M. Crispi paraît décidé à entrer dans la voie des réductions de dépenses. On annonce déjà des économies de 15 millions pour la guerre et de 7 millions pour la marine. L’aventure de la mer Rouge reste un point noir pour les finances italiennes. Les rentes espagnole et portugaise ont été plus faibles. La dernière surtout est très offerte à Londres et à Paris, depuis l’échec du dernier emprunt. A Madrid, le ministre des finances ne s’est pas décidé à tenter les risques d’un appel au public. Il a préféré demander aux Cortès l’autorisation pour la Banque d’Espagne de porter le chiffre de sa circulation fiduciaire de 750 millions de pesetas à un milliard. Comme cette circulation devra être à l’avenir couverte par une encaisse métallique de 33 pour 100 au moins, le change sur l’Espagne est devenu de plus en plus défavorable à ce pays.

Les fonds turcs ont été arrêtés dans leur mouvement de hausse par la nouvelle que Pirado impérial autorisant la conversion des obligations privilégiées, et que l’on croyait signé, ne l’était pas, ou, s’il l’était, n’empêchait pas un nouvel examen de la question par la Porte. Quant à la conversion de la dette privilégiée d’Egypte, elle continue à donner lieu à des négociations qui se poursuivent parallèlement entre M. Ribot, les délégués du khédive et le cabinet anglais.