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autres, desservis par le même arbre de couche et recevant tous la même impulsion de la même force motrice.

Il y a bien des raisons pour que la France, elle aussi, ait enfin des écoles de ce genre. J’indiquerai seulement les principales. La première est d’ordre international. Partout, l’enseignement supérieur a pris la forme universitaire. Il y a des Universités dans les pays de toute race ; il y en a chez les plus petits peuples comme chez les plus grandes nations, dans le nouveau monde, comme dans l’ancien ; il y en a même au Japon, partout, en un mot, où a pénétré la civilisation occidentale, partout, sauf dans le pays où elles ont pris naissance et où la formule en a été renouvelée à la fin du XVIIIe siècle. Aussi quand de l’étranger on nous dit : Université, nous répondons : Académie ; et l’on ne nous comprend pas, et nous faisons l’effet de gens qui auraient inventé le système métrique et seraient les seuls à ne pas s’en servir. Ou bien, il nous faut employer un vocable illégal et dire : l’Université de Paris ou l’Université de Lyon, alors qu’il n’y a d’Université ni à Lyon, ni à Paris. Et c’est une nécessité si impérieuse qu’elle s’impose même dans les harangues les plus officielles. Ainsi, à l’inauguration de la nouvelle Sorbonne, M. Gréard n’a pu s’y soustraire, et pour désigner, sans périphrase obscure, cet être complexe formé de cinq Facultés, à la tête duquel il est placé, il lui a bien fallu dire, en dépit de la loi, l’Université de Paris.

Non-seulement on ne nous comprend pas à l’étranger, quand nous parlons de nos Académies et de nos Facultés isolées, mais comme les noms par lesquels nous les désignons n’ont pas cours hors de chez nous, on les ignore. On connaît dans toute l’Europe savante et plus loin, la Sorbonne, l’École de médecine et l’École de droit de Paris, l’École normale et l’École polytechnique. On ne sait pas, ou l’on sait rarement qu’il y a des écoles de haut enseignement ailleurs qu’à Paris. Un étudiant suisse arrivait, il y a quelque temps, à Paris. On lui demande pourquoi il n’est pas allé de préférence à Lyon, à deux pas de chez lui. « A Lyon ? répond-il, mais il n’y a pas d’Université. « Il avait raison. A Lyon, il n’y a que des Facultés admirablement installées, comptant ensemble cent dix maîtres et dix-sept cents élèves, c’est-à-dire plus que n’en ont les trois quarts des Universités allemandes.

Ce n’est pas par simple esprit d’imitation que, l’une après l’autre, toutes les nations civilisées se sont donné des Universités, et ne se sont pas contentées, comme nous le faisons depuis un siècle, de Facultés isolées et d’écoles spéciales. Il y a à ce phénomène général des raisons plus profondes, les unes d’ordre scientifique, les autres d’ordre public.