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de l’État, constitués par l’État lui-même, pour remplir, avec toute l’indépendance qu’elle exige, une des fonctions morales de l’État.


III

Ici se pose une question à laquelle je ne puis éviter de répondre. Nous avons quinze groupes de Facultés, sans compter les Écoles d’Alger. Faudra-t-il, d’un coup de baguette, en faire autant d’Universités ? — Je n’hésite pas à répondre : Non, cent fois non. Tout, plutôt que cette folie ; tout, le statu quo et même le retour en arrière. L’avenir, du moins, ne serait pas compromis. Considérez chacun de ces groupes. Dans six seulement vous trouverez les quatre Facultés ; des autres, sept n’en ont que trois, et deux sont encore plus mal nantis, n’ayant que les sciences et les lettres. Or, comme l’Université est, par définition, l’école universelle, celle où se cultivent, où s’enseignent toutes les parties du savoir, pour avoir rien que les matériaux, je dis les matériaux bruts, de quinze Universités, il faudrait d’un seul coup improviser douze Facultés nouvelles, deux de droit et dix de médecine. À moins qu’on n’inventât des trois quarts d’Université. — Mais de ces quinze Universités, complètes ou incomplètes, combien seraient des touts artificiels et combien des touts naturels ?

Je ne sais si cette chimère dangereuse de quinze Universités hante sérieusement les esprits. Dans ce cas, il faudrait la décourager au plus vite. Il ne faudrait pas, en effet, que l’expérience de ces trois quarts de siècle fût entièrement perdue, et que, par ignorance de l’histoire de nos Facultés, par méconnaissance des conditions particulières qui sont faites en France à l’enseignement supérieur, et que nous indiquerons plus loin, on fût, une fois de plus, victime de cette fatalité qui, sous tous les gouvernemens, a fait créer, multiplier, disperser les Facultés à l’aventure, sans proportion, sans suite, sans vue d’ensemble, et le plus souvent pour des exigences qui n’avaient rien à voir avec les intérêts de la science et de l’enseignement supérieur. Ce serait une curieuse histoire à suivre depuis le commencement du siècle. J’en indiquerai seulement quelques épisodes. C’est l’Empire qui, changeant le nom des Écoles spéciales de la Convention, créa les Facultés. Il fit douze Facultés de droit et cinq Facultés de médecine. Ce n’était pas excessif ; mais il décréta vingt-sept Facultés des sciences et vingt-sept Facultés des lettres. Il en mit une paire au chef-lieu de chaque académie. Et pourquoi les semait-il sur tout le territoire avec cette profusion ? Pour l’unique raison que c’étaient, non pas des écoles