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Mais était-ce bien là l’ordonnance universitaire ? — L’Université est un être vivant. Toutes les parties doivent en être disposées comme des organes, se toucher, s’unir, vivre ensemble, se compléter l’une par l’autre, réagir l’une sur l’autre et concourir harmoniquement à une résultante commune. Est-ce à cela qu’eussent conduit les idées que je viens d’esquisser ? N’auraient-elles pas plutôt constitué, sous le nom d’Universités, de simples juridictions, des circonscriptions géographiques et administratives, quelque chose comme les garnisons de nos corps d’armée ?

Il ne m’appartient pas d’indiquer de solution. Mais peut-être, quand le moment sera venu, songera-t-on que, s’il n’est pas possible de supprimer nombre de nos Facultés, il n’est pas nécessaire de leur laisser à toutes, à celles qui seront dans les Universités et à celles qui seront en dehors, même constitution et mêmes prérogatives. A la fin de l’ancien régime, il y avait en France vingt-deux Universités. C’était trop pour qu’elles fussent prospères. Dès le milieu du XVIIe siècle, on avait réclamé contre cet excès : « Ce grand nombre d’Universités, avait dit en 1645 François le Maire, conseiller au présidial d’Orléans, ce grand nombre d’Universités, en France, n’apporte que désordre, trouble et mépris des bonnes lettres. » Cent ans plus tard, Guyton de Morveau disait de même : « La multiplicité des Facultés… serait peu favorable, peut-être même inutile et souvent pernicieuse aux progrès des sciences. « Il parut alors à un réformateur, sage et prudent entre tous, au président Rolland, que le meilleur remède serait d’avoir deux sortes d’Universités, les unes complètes et les autres incomplètes, celles-ci pourvues des enseignemens fondamentaux et essentiels, mais de ceux-là seulement, les autres « réunissant dans leur sein l’enseignement de toutes les sciences. » « Les Universités qui seraient complètes devraient être très rares, et placées seulement dans les villes principales, que leur grandeur, leur opulence, leur position, semblent destiner au dépôt des sciences. »

N’y aurait-il pas là les élémens d’une solution ? L’enseignement supérieur a une double fonction, l’une professionnelle, l’autre savante. Il faut que l’éducation professionnelle soit dirigée d’après des principes et des méthodes scientifiques ; mais il ne s’ensuit pas que partout où elle se donne doive être aussi tout le vaste appareil des enseignemens savans et des recherches scientifiques. Il suffit que les maîtres chargés de la donner aient été formés à l’école de la science et soient imbus de son esprit. Partant de cette distinction, serait-il déraisonnable d’avoir deux sortes de Facultés, et comme le doctorat est le grade scientifique par excellence, d’en faire le privilège des Facultés d’universités ? A celles-ci, outre les