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légitime orgueil que leur inspirait le spectacle des magnificences du grand siècle, en regard des œuvres où se déroulait l’histoire si souvent glorieuse du nôtre ; tous usaient avec empressement de la liberté laissée à chacun d’aller et de venir à peu près à son gré, de s’arrêter de préférence dans telle salle ou devant tel tableau, sans que pour cela la respectueuse réserve qu’imposaient la présence du roi et celle de la famille royale se trouvât, en quoi que ce fût, compromise.

Le nombre des invités s’élevait à plus de quinze cents personnes, parmi lesquelles les membres des deux chambres, du conseil d’état, des cinq classes de l’Institut et, — depuis le plus célèbre jusqu’au plus obscur, — tous les artistes qui avaient participé à la réalisation du projet conçu par le roi. Après une première visite aux nouvelles galeries et aux appartemens de Louis XIV complètement rendus à leur ancienne splendeur, un banquet fut servi en plein jour dans les salles attenant à la Galerie des glaces. Ensuite on se réunit dans la salle de spectacle tout éblouissante de lumières, pour assister à la représentation de quelques actes du Misanthrope et d’Esther mis en scène comme ils l’étaient au temps de Molière et de Racine, avec un intermède composé par Scribe et dont Auber avait écrit la musique : intermède où tous les grands Français du XVIIe siècle réapparaissaient pour rendre hommage à la gloire de Louis XIV dans les murs mêmes qui la consacraient de nouveau. La soirée se termina, pour les invités, par une promenade aux flambeaux, à la suite du roi, dans les salles et dans les galeries qu’ils avaient parcourues aux diverses heures de la journée.

De tous les membres de l’Académie qui, à cette époque, avaient travaillé pour le musée de Versailles ou qui devaient, dans le cours des années suivantes, l’enrichir de nouveaux ouvrages, le plus fécond, comme le plus populaire encore aujourd’hui, était assurément Horace Vernet. Sans parler des mérites mêmes d’un talent dont la prodigieuse facilité ne constitue pas uniquement, quoi qu’on en ait dit, la valeur, cette popularité s’explique de reste par la nature des sujets traités, par l’intérêt tout actuel que présentaient à l’origine des scènes reproduites presque au lendemain du jour où elles s’étaient passées ; par l’authenticité en un mot de ces procès-verbaux pittoresques dressés au fur et à mesure de chaque fait d’armes contemporain, depuis le Siège d’Anvers ou l’Assaut de Constantine jusqu’à la Smalah d’Abd-el-Kader, jusqu’à la Bataille d’Isly. Toutefois, si fort en faveur qu’elles fussent auprès du public, les œuvres d’Horace Vernet n’absorbaient pas si bien l’attention que d’autres œuvres moins récentes, mais toutes nouvelles aussi pour bon nombre des visiteurs du palais de Versailles,