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VILLULA.


Ecquis vivit fortunatior ?
TÉRENCE.

Oui, c’est au vieux Gallus qu’appartient l’héritage
Que tu vois au penchant du coteau cisalpin ;
La maison tout entière est à l’abri d’un pin
Et le chaume du toit couvre à peine un étage.

Il suffit pour qu’un hôte avec lui le partage.
Il a sa vigne, un four à cuire plus d’un pain
Et dans son potager foisonne le lupin.
C’est peu ? Gallus n’a pas désiré davantage.

Son bois donne un fagot ou deux tous les hivers
Et de l’ombre, l’été, sous les feuillages verts ;
A l’automne, on y prend quelque grive au passage.

C’est là que, satisfait de son destin borné,
Gallus se laisse vivre où jadis il est né.
Va, tu sais à présent que Gallus est un sage.


LA FLUTE.


Est mihi disparibus septera compacta cicutis
Fistula…
VIRGILE.

Voici le soir. Au ciel passe un vol de pigeons.
Rien ne vaut pour charmer une amoureuse fièvre,
O chevrier, le son d’un pipeau sur la lèvre
Qu’accompagne un bruit frais de source entre les joncs.

A l’ombre du platane où nous nous allongeons,
L’herbe est plus molle. Laisse, ami, l’errante chèvre
Sourde aux chevrotemens du chevreau qu’elle sèvre,
Escalader la roche et brouter les bourgeons.

Ma flûte faite avec sept tiges de ciguë
Inégales que joint un peu de cire, aiguë
Ou grave, pleure, chante ou gémit à mon gré.

Viens. Nous t’enseignerons l’art divin du Silène
Et tes soupirs d’amour, de ce tuyau sacré,
S’envoleront parmi l’harmonieuse haleine.