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À UN TRIOMPHATEUR.


Bellorum exuviæ… victæque triremis
Aplustre…

Juvénal.


Fais sculpter sur ton arc, Imperator illustre,
Des files de guerriers barbares, de vieux chefs
Sous le joug, des tronçons d’armures et de nefs
Et la flotte captive et le rostre et l’aplustre.

Quel que tu sois, issu d’Ancus ou né d’un rustre,
Tes noms, famille, honneurs et titres, longs ou brefs,
Grave-les dans la frise et dans les bas-reliefs
Profondément, de peur que l’avenir te frustre.

Déjà le Temps brandit l’arme fatale. As-tu
L’espoir d’éterniser le bruit de ta vertu ?
Un vil lierre suffit à disjoindre un trophée ;

Et seul, aux blocs épars des marbres triomphaux
Où ta gloire en ruine est par l’herbe étouffée,
Quelque faucheur Samnite ébrèchera sa faulx.


José-Maria de Heredia.