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projets par lesquels il propose une série de réformes sur le repos obligatoire du dimanche, sur la réglementation du travail des femmes et des enfans, sur l’institution de l’arbitrage entre patrons et ouvriers. En un mot, l’empereur poursuit cette œuvre qu’on peut appeler une œuvre de socialisme d’état, sans négliger toutefois de prendre ses précautions contre les « revendications excessives et irréalisables, » sans dissimuler qu’il serait au besoin résolu à réprimer toute tentative de violence « avec une énergie inébranlable. » C’est là justement la difficulté de concilier les satisfactions dues aux revendications légitimes et les répressions qui peuvent sembler nécessaires. Guillaume II a encore la force, cela n’est pas douteux ; il a aussi devant lui une force qui a grandi singulièrement en Allemagne et qui ne paraît pas disposée à désarmer. En Allemagne plus que partout peut-être, le problème reste entier après comme avant le discours impérial.

Les affaires étrangères ou internationales, les questions qui touchent à l’état diplomatique de l’Europe, aux relations politiques de puissance à puissance, aux antagonismes des peuples, ne sont pas pour le moment, à ce qu’il semble, ce qui préoccupe le plus les gouvernemens. Elles n’ont que peu de place, elles sont à peine effleurées dans le dernier discours de l’empereur d’Allemagne. Elles ne donnent pas, depuis quelque temps, beaucoup de travail aux chancelleries. La plus grande, la plus sérieuse affaire internationale, à dire vrai, est ce mouvement socialiste et ouvrier qui est commun à tous les pays, qui les intéresse, les agite ou les émeut encore plus qu’il ne les divise. En dehors de ce mouvement, qui est la grande, l’universelle préoccupation du jour, la paix politique règne assez visiblement entre les états, qui paraissent provisoirement peu disposés à susciter des incidens et des querelles sur notre continent fatigué.

Il y a cependant des questions qui ne cessent de se reproduire, parce qu’elles sont restées jusqu’ici sans solution, qui ne sont, si l’on veut, qu’épisodiques et ne sont pas moins un des élémens des rapports entre de grandes puissances, comme la France et l’Angleterre. C’est l’histoire de cette vieille affaire d’Egypte qui a si souvent joué un rôle dans les conflits du monde et qui reparaît aujourd’hui, non pas directement, mais sous la forme d’un règlement financier, d’une conversion de la dette qui nécessite un certain accord des puissances intéressées. Si ce n’était qu’une affaire financière, ce serait peut-être encore assez simple. Le malheur est que, par une suite d’événemens qui datent déjà de sept ou huit années, cette question égyptienne s’est terriblement compliquée, que la politique se mêle aux finances, que la conversion de la dette ne va pas sans le problème bien autrement épineux l’de l’occupation anglaise dans la vallée du Nil, et qu’il y a maintenant à revenir de loin pour rentrer dans une situation plus régulière. Que la France ait commis à l’origine et expie encore aujourd’hui la faute de