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Anglaise. Leur père, originaire de Brescia, était un polyglotte d’autant plus remarquable qu’en son temps la connaissance des langues vivantes était peu répandue ; il vint à Paris, s’y établit et y fonda, en 1808, une revue mensuelle : le Répertoire de la littérature et des sciences anglaises. En 1808, au moment où l’Autriche et l’Espagne se résignent à adhérer au blocus continental, à l’heure où Napoléon Ier intervient, — c’est le mot poli, — dans les affaires d’Espagne, et où le cabinet de Saint-James prépare, en la soudoyant, la cinquième coalition, qui doit mettre la France en armes une année plus tard et se terminer par la bataille de Wagram, à l’instant où la haine entre les rivaux séculaires est plus intense que jamais, publier un recueil écrit en anglais, ne parlant que de choses anglaises et les faisant valoir, c’était hardi jusqu’à l’imprudence, et je doute que le Repertory ait eu grand succès. En 1814, l’Europe, après vingt-deux ans d’une lutte sans répit, entra enfin dans une période d’apaisement que le retour de l’Ile d’Elbe devait momentanément interrompre. Quelque liberté était promise au pays harassé de combats et saturé de gloire militaire ; les discussions législatives passionnaient le public, la diplomatie s’efforçait de rapprocher des nations si longtemps hostiles les unes aux autres ; une parole moins asservie était rendue aux journaux. Galignani estima que l’heure était propice et il fit paraître un journal tri-hebdomadaire auquel il donna son nom : the Galignani’s Messenger.

Il mourut, je crois, en 1821, car c’est à cette époque que je vois ses fils, John-Anthony et William, prendre la direction de leur Messager, le rendre quotidien et lui donner l’importance qu’il, conserve encore aujourd’hui. L’aîné des frères était resté Anglais ; William, le plus jeune, avait été naturalisé Français, symbolisant ainsi la politique qu’ils ont toujours imperturbablement suivie et qui tendait à cimenter une alliance durable entre la France et l’Angleterre. On peut dire, sans forcer la vérité, que leur journal a été l’agent le plus constant, le plus énergique de ce que l’on nommait « l’entente cordiale, » qui, dans plus d’une circonstance, adoucit des prétentions et atténua des ressentimens où les deux nations, si longtemps adverses, auraient pu trouver motif à des conflits redoutables. Jamais les frères Galignani ne se sont départis de leur esprit conciliant, même lorsque dus notes aigrelettes étaient échangées entre notre ministère des affaires étrangères et le Foreign-Office. Toujours on les retrouve semblables à eux-mêmes, prêchant la concorde, éclairant les combinaisons sournoises et débrouillant le fil entortillé des malentendus. Ni lors de la question d’Orient (1840), de l’indemnité Pritchard (1844-45), des mariages espagnols (1847). ni lors de ‘l’incident dom Pacifico (1850), ni même en 1858,