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le 11 décembre 1882. On sut alors à quel emploi il destinait une partie de sa fortune, et il y eut plus d’un vieux lettré, plus d’un vieil artiste qui se reprit à espérer. Le legs était fait, à l’Assistance publique et m’est pas de mince valeur : un terrain de. 7,169 mètres situé à Neuilly ; deux immeubles sis à Paris, l’un rue Neuve-des-Petits-Champs, l’autre rue de l’Échiquier, d’un produit net et annuel de 77,000 francs ; plus une rente de 70,000 francs placée à 5 pour 100, que la conversion du 5 pour 100 en 4 1/2 a réduite à 63,000. Les conditions imposées à la légataire, et qu’elle a strictement exécutées, feront connaître l’économie de la fondation dont nous avons à parler.

Sur le terrain légué, une maison de retraite sera construite assez ample pour contenir cent pensionnaires et tous les services accessoires qui sont nécessaires à leur entretien et à leur bien-être. « Je veux que chaque personne ait une chambre particulière à feu avec un cabinet y attenant, repas en commun pour chaque sexe, et qu’il y ait dans l’établissement une chapelle et une salle de lecture avec bibliothèque. » Pour être admis dans la maison, il faut être âgé d’au moins soixante ans, n’avoir pas de moyens d’existence suffisans, « être très respectable et de très bonne moralité. » Selon le vœu du testateur, les pensionnaires sont divisés en deux catégories que j’appellerai administratives ; à cet égard sa volonté est formulée d’une façon très nette : « Chaque personne devra payer une pension annuelle de 500 francs, fournir son mobilier et prendre à sa charge les frais personnels d’éclairage et de chauffage. Toutefois je veux que, compris dans ce nombre de cent personnes, il y ait cinquante admissions gratuites et toujours renouvelables, au fur et à mesure des décès, en faveur des personnes dans les conditions sociales suivantes : » Dix anciens libraires ou imprimeurs français désignés par le Cercle de la librairie et de l’imprimerie ; — vingt savans français nommés par la Société des Amis des sciences que fonda le baron Thénard ; — dix écrivains et dix artistes français élus, — c’est le vrai mot, car l’on vote, — par l’Académie française et l’Académie des Beaux-Arts. Le testateur a toutes les délicatesses des âmes élevées, car il ajoute : « Ces nominations devront être mentionnées dans les rapports publiés par ces sociétés, les noms pouvant n’être indiqués que par des initiales. » Le bienfait s’étend non-seulement à ceux qui ont exercé la profession, mais à leur mère, à leur veuve, à leurs enfans ; c’est, en un mot, toute la famille qui peut participer aux immunités de cette œuvre excellente.

En lisant ce testament, mes souvenirs se sont réveillés et j’ai fait un retour pénible sur bien des faits douloureux dont j’ai été le