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mori ne les attire pas, et la promesse de l’éternel repos ne les séduit guère. Qu’ils lassent comme Goethe, et que sur le cadran de leur montre, ils écrivent : memento vivere.

Je me débarrasserai tout de suite d’une critique, — la seule, — que je dois adresser à cette maison, qui est de haute valeur pour ceux qu’elle a accueillis. La cuisine est vaste, bien outillée d’ustensiles en cuivre que j’aurais voulu voir remplacés par des ustensiles en 1er émaillé, que le vert-de-gris ne peut atteindre, et toujours sains, lorsqu’on ne les malmène pas trop. Elle est largement éclairée, munie de fourneaux imposans, accostée de resserres, d’éviers, de cabinets pour laver la vaisselle ; l’eau y abonde ; à l’œil elle est irréprochable, mais à l’odorat elle est défectueuse, car elle est ventilée d’une façon insuffisante. Il en résulte qu’elle sent mauvais, que l’atmosphère en est lourde, qu’elle est plus chaude qu’il ne convient et qu’elle répand dans les salles voisines une déplaisante odeur de graillon. Pendant l’été, on lutte, jusqu’à un certain point, contre cet inconvénient en établissant un courant d’air dans le long couloir qui précède cette partie des bâtimens, mais en hiver, dans un asile consacré à des vieillards, il y aurait danger à ne pas tenir les portes closes, et l’on en est réduit à respirer partout le relent des graisses tombées dans le feu. Tout a été trop soigné, trop bien prévu dans chaque détail pour que l’on ne porte pas remède à cet état de choses, qui est pénible pour les employés comme pour les pensionnaires, et qui étonne dans une maison irréprochable à tous autres égards. Un bon ventilateur purgeant la cuisine de l’air épais dont elle est imprégnée, — pour ne pas dire infectée, — me paraît être un objet de première nécessité ; ce serait vraiment faire acte d’assistance que d’en doter l’établissement dû à la libéralité des frères Galignani.

A côté de la cuisine et près de la paneterie s’ouvre la salle à manger, très grande, puisqu’elle doit recevoir cent personnes qui y prennent commodément leur repas. On a renoncé, — et l’on a bien fait, — à la table en fer à cheval usitée dans les maisons hospitalières. Là rien de pareil ; dix tables rondes autour de chacune desquelles dix pensionnaires peuvent s’asseoir ; pas de nappes, mais du marbre blanc qu’un coup d’épongé a promptement nettoyé, système excellent qui évite la vue toujours désagréable du linge chiffonné, parfois maculé de vin ; les couverts sont en ruolz, les assiettes en porcelaine, la verrerie est en cristal de bonne qualité ; donc rien qui sente l’hospice, ni même les pensions bourgeoises de catégorie inférieure. Dans l’ameublement comme dans l’outillage, l’administration semble s’être ingéniée à rappeler les jours d’aisance que l’on a connus jadis et que sans doute l’on regrette lorsque l’on fait