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repos, je dirai même de son contentement ; il s’y plaît, il en apprécie les avantages et il en chante les louanges : ceci n’est pas une métaphore :


Connaissez-vous Galignani ?
Non ? — Eh bien ! sans aucun mystère
Bien mieux je le proclame ici,
Galignani C’est le paradis sur la terre.


Tel est le refrain d’une chanson qui célèbre le bien-être de la maison, la libéralité des fondateurs, la reconnaissance qui leur est due, « les vertus divines » des filles de la charité et jusqu’aux attraits d’un « joyeux trente-et-un. »

M. Laurencin ne se contente pas de chanter, il prêche d’exemple. Sa satisfaction, dans bien des cas, est communicative, et plus d’un de ses compagnons a repris courage rien qu’à le regarder vivre. A la maison Galignani, comme ailleurs, comme partout, il est des heures de découragement qui, sans motifs apparens, sonnent pour les âmes même les plus résolues. A ceux qui subissent ces défaillances passagères, M. Laurencin apporte le secours de sa bonne tourneur et de sa philosophie. — « La porte que vous avez franchie en entrant n’est point fermée, elle reste ouverte et vous pouvez sortir. Où irez-vous ? Dans quelle mansarde d’un sixième étage installerez-vous votre gêne et votre solitude ? Que nous manque-t-il ici ? Les lits sont bons, les chambres sont amples, la nourriture est réconfortante, les médecins sont à vos ordres, la liberté est complète, la société n’est point déplaisante et, dès que le ciel est pur, le soleil illumine notre jardin ; nul souci matériel ne peut plus nous atteindre ; les seuls inconvéniens dont vous ayez à vous plaindre sont ceux de l’âge, ils vous paraîtraient bien plus durs et vous en seriez tout à fait accablés si vous aviez à les supporter dans l’isolement, dans l’abandon d’une demeure étroite, sans jour et sans feu. Restez, et, pour vous donner de la vaillance, songez à ceux qui, aussi vieux que nous, n’ont pas eu la bonne fortune de trouver asile dans la maison bénie où nous sommes et sur la porte de laquelle on devrait inscrire le titre d’une comédie de Shakspeare : tout est bien qui finit bien. » En l’écoutant, plus d’un a dit : « Vous avez raison » et a senti son cœur se raffermir. Ce bien moral qu’il répand autour de lui, M. Laurencin n’en est pas avare, il n’a qu’à puiser en lui-même, et, comme le personnage d’une de ses comédies, il peut s’écrier : « Mes moyens me le permettent…. » — « Regarde bien au dedans de toi, disait Marc-Aurèle, il y a une source qui jaillit toujours, si tu creuses toujours. »