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délicates des couleurs. Son Matin d’automne, aux Andelys, sur le Hamel, est d’un bariolage harmonieux et étrange, comme le ciel, dans ces saisons intermédiaires, se plaît à nous en montrer ; il faut de la hardiesse et de l’habileté pour transporter sur une toile ces spectacles singuliers et fugitifs. M. Zuber cherche moins les effets piquans et inattendus. Un coucher de soleil, tel que nous en voyons souvent, calme et rassérénant, entre des verdures régulières, sur l’eau paisible d’une rivière lente, lui suffit pour renouveler en nous une impression toujours douce, grâce à l’extrême conscience, jointe à un sens juste de la majesté familière des choses, qu’il apporte en toutes ses études. Sa Brume du soir sur les bords du Loing, quoique un peu flottante en un trop grand cadre, est un noble paysage qu’on revoit avec le plus de plaisir. On goûte aussi du charme à se promener dans les Vergers à Mièvre, à la fin d’octobre, par M. Boudot. M. Boudot est un des jeunes gens dont les débuts ont été le plus remarqués dans ces dernières années ; il aime les verdures, verdures fraîches des printemps, verdures éclatantes de l’été, verdures pâlissantes de l’automne ; en toute saison, il en sait analyser les nuances infiniment variées, en exprimer tour à tour la mollesse et la densité, l’humidité et la sécheresse. Nous le voyons, avec plaisir, ne pas s’en tenir au coin et au morceau, s’efforcer de condenser son observation dans des cadres mieux ordonnés et mieux remplis. La condensation, au contraire, n’est pas le fait de M. Le Liepvre qui, chaque année aussi, affirme mieux sa personnalité, mais dans l’ordre décoratif. Sa vue d’une prairie au bord de la Loire, avec de grands peupliers projetant leurs ombres minces et longues sur des gazons desséchés, aurait-elle beaucoup perdu à se rapetisser un peu ? Nous ne le croyons pas. En tout cas, l’effet est vif, juste, saisissant, tout à fait dans le goût de ceux qu’affectionne M. Harpignies, dont M. Le Liepvre est l’élève.

À côté de ces nouvelles réputations, beaucoup de renommées anciennes se soutiennent fort convenablement. L’Etang de Cernay à la fin du jour et la Loire à Voucray, par M. Yon ; la Baie de Saint-Vaast et le Coup de vent, par M. Guillemet ; les vues de Rouen et de Dieppe, par M. Lapostolet ; les deux grands paysages de MM. Bernier et Busson ; l’Ile de Tribouillard au val Piton, et la Seine à Poses, par M. Pelouse ; le Marais aux environs de Corbeil, par M. Péraire ; les Bords de la Marne, par M. Porcher ; le Soir d’un beau jour et le Novembre, par M. Emile Breton, sans nous apprendre rien de nouveau sur leurs talens familiers et consciencieux, nous en apportent pourtant des preuves nouvelles. M. Demont joint à une étude d’une vivacité et d’une saveur assez particulières,