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la Ferme en Dauphiné, un paysage avec figures, d’une poésie exquise, le Départ. Au premier plan, devant sa chaumière, une paysanne qui rêve, triste et abattue ; au loin, dans la plaine, un jeune homme qui s’en va, sa besace sur le dos. La tristesse résignée de ces deux êtres, la tristesse apaisée du crépuscule qui les enveloppe, s’unissent, pour mous pénétrer, avec une simplicité charmante. Il est bien possible qu’en peignant cette jolie toile, M. Demont ait pensé aux solennités de Millet, aux tendresses de Cazin (quel véritable artiste est donc insensible aux manifestations contemporaines ? ) ; il n’en a pas moins fait, sans prétention, une œuvre très savoureuse.

Il est impossible, pour le paysage comme pour le genre, d’essayer même une nomenclature des artistes qui s’y exercent avec talent et qui, sans arriver jusqu’à la supériorité, produisent des travaux dignes d’attention et non dépourvus de charme. Il nous suffira de constater qu’aux Champs-Elysées cette activité, plutôt croissante que diminuée, des promeneurs au grand air, s’exerce dans les sens les plus divers, avec une variété de moyens et une absence de parti-pris dans le procédé qui dénotent, en général, de la conscience et de la sincérité. Et ce mérite, nous le trouvons non-seulement chez des Français, qui, comme MM. Lepoittevin, Le Marié des Landelles, Didier-Pougens, Cagniart, Dutzchold, Guéry, Odier, Yarz, etc., étudient un peu sommairement encore, bien qu’avec amour, la poésie des grands espaces, mais aussi chez beaucoup d’étrangers formés ou non à notre école, tels que MM. Davis, Paterson, Grimelund, Boyden, Tragardh, Verheydon, dont les peintures ont une assez vive saveur exotique. Puissent-ils la conserver !


IV

C’est dans la peinture de mœurs contemporaine, à la ville comme aux champs, qu’éclate le mieux cette recherche des actions lumineuses qui semble être, depuis quelques années, le principal souci des peintres. Rien de plus légitime que cette préoccupation. Ce fut celle de Léonard de Vinci, de Corrège, de toute l’école hollandaise. Les primitifs, Flamands et Florentins, avaient naïvement résolu par instans la question, sans même se la poser, en ce qui concerne le plein air ; tel fond d’architecture ou de campagne, dans certains tableaux de Van-Eyck, de Memling, de Fra Bartolommeo ou de leur entourage, est aussi aéré qu’on l’a jamais pu faire. Quant au problème de la lumière emprisonnée ou mouvante dans les intérieurs,