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très vif de l’arrangement pittoresque et une façon de peindre, libre et franche, amusante et personnelle. Le Pêcheur à la foène dans la baie d’Anthie, par M. Tattegrain, d’un faire un peu sec, est aussi une étude attentive et sérieuse.

A la ville comme à la campagne, sauf de rares exceptions, nos peintres n’ont plus trop le goût des scènes ultra réalistes, des drames et mélodrames ; nous les en félicitons. S’ils nous présentent assez souvent des intérieurs d’hôpitaux, c’est plutôt pour nous y montrer une des formes de l’activité scientifique et de la charité humaine que pour nous y appesantir sur des misères lamentables. Le tableau de M. Laurent-Gsell, Une leçon de manipulations chimiques à la Faculté de médecine ; celui de M. Bisson, Après l’opération, pour l’hôpital Necker, ne sont, en réalité, que des collections de portraits groupés dans leur milieu professionnel, de ces tableaux dits de corporation, si fort en usage dans la Hollande du XVIIe siècle, et dont le goût nous est heureusement revenu, depuis que ce pauvre Feyen-Perrin, il y a une vingtaine d’années, se souvenant de la Leçon d’anatomie, réunit les images des internes de la Charité, sur une même toile, dans leur salle de garde. MM. Laurent-Gsell et Bisson ne sont pas encore des artistes en pleine possession de tous leurs moyens, mais le tableau du premier est bien présenté, dans un mouvement de lumière bien distribué, quelques parties en sont largement brossées ; celui du second contient des figures étudiées avec soin et marque un réel progrès dans les tendances et dans la technique de l’artiste. Il n’y a que M. Moreau, de Tours, qui nous mette résolument en place, non d’une opération chirurgicale, mais d’une véritable expérience scientifique. Il nous montre, dans une salle de la Charité, des fascinés, c’est-à-dire des malades des deux sexes hypnotisés par un miroir tournant, comme de simples alouettes. Toutes les contorsions, gesticulations, hébétemens de ces hystériques et névropathes ne sont pas, à vrai dire, fort agréables à regarder longtemps. L’œuvre est pourtant une des mieux observées, des mieux dessinées, des mieux peintes qu’ait faites M. Moreau, de Tours.

Dans tous ces ouvrages, on peut louer, en somme, avec plus ou moins de talent, une recherche consciencieuse et honnête du caractère et du type des personnages représentés. C’est là, ce nous semble, le premier devoir du peintre de mœurs contemporaines. C’est pourquoi nous : estimons-aussi la composition mouvementée et brillante de M. Gueldry, Un jour de régates ; celle de M. Bourgain, le Lavage du pont à bord du « Suffren », celle de M. Bourgonnier, les Ciseleurs. MM. Gueldry et Bourgain, élèves de M. Gérôme, ont contracté chez leur maître l’excellente habitude d’analyser les mouvemens, les gestes, les physionomies avec une rigueur qui