Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/792

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


II

De 721 à 711, à peu près, l’état de la Judée paraît avoir été assez prospère. Dans les premières années qui suivirent la prise de Samarie, la situation d’Ézéchias à l’égard de l’empire d’Assyrie fut celle d’un vassal. Une circonstance, cependant, vint rendre sa situation moins mauvaise qu’on ne devrait le supposer. Salmanasar mourut avant que la guerre contre Samarie ne fût terminée, et eut pour successeur un de ses officiers, Saryoukin ou Sargon. Le commencement d’une nouvelle dynastie est toujours un moment favorable à ceux que la dynastie précédente avait assujettis ou tenus dans la sujétion.

Sargon fut un souverain trop puissant pour que le prudent Ézéchias songeât à se révolter contre lui. Les propositions de l’Égypte étaient cependant une perpétuelle tentation, ce qu’est maintenant, en France, l’alliance russe pour les esprits agités. Les conseillers politiques du roi y étaient favorables. De ce nombre était surtout un certain Sebna ou Sebent, peut-être un Sébennyte, certainement un étranger, un homme sans famille, qui arriva au titre de soken ou conseiller interne du roi, et était revêtu des fonctions de préfet du palais. Isaïe et les prophètes étaient contraires à l’alliance égyptienne, par suite de leur principe général que les moyens humains sont une injure à Iahvé, et aussi par suite de la juste vue qu’ils avaient de la situation militaire du temps.

En 711, la tentation fut plus forte que jamais. Le tartan ou général des armées de Sargon traversa le pays de Juda pour aller conduire une expédition en Égypte et en Éthiopie. Le premier acte de la campagne fut le siège d’Asdod. Une ligue générale de l’Égypte et des pays palestiniens paraissait indiquée. Isaïe fit à cette politique la plus vive opposition, et employa, pour la combattre, les énergiques moyens de démonstration par les yeux qui lui étaient habituels. Un jour, on le vit se promener dans la rue de Jérusalem, déchaussé, dans un état de nudité honteuse. Il déclarait que Iahvé lui avait ordonné de se montrer ainsi, pour que l’on vît l’état ignominieux où le roi d’Assyrie ramènerait les prisonniers d’Égypte et d’Éthiopie.

La haine d’Isaïe contre celui qu’il appelle « l’opprobre de la maison de son maître » s’est exprimée, sous une forme moins bizarre, dans un morceau où les luttes intérieures de la cour d’Ézéchias éclatent visiblement. Sebna, dont le père n’est jamais nommé et qui devait être de basse extraction, menait grand train, se faisait creuser, en vrai parvenu qu’il était, un tombeau dans le roc de la colline royale. Cela rendait furieux la coterie des